Le Devoir

Coiteux se range derrière l’UPAC

Le ministre de la Sécurité publique s’étonne des accusation­s du député indépendan­t Guy Ouellette

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec MARIE-LISE ROUSSEAU

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, largue son ex-confrère Guy Ouellette pour se ranger derrière l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC), qui traverse une crise de confiance sans précédent.

M. Coiteux a dit lundi après-midi n’avoir « aucune raison de ne pas avoir confiance» en l’étatmajor de l’UPAC, qui a tendu une embuscade au député de Chomedey afin de l’interroger pendant environ six heures mercredi dernier loin de l’hôtel du Parlement, en se gardant cependant de l’accuser de quoi que ce soit. «Ça ne remet pas en question le travail effectué par l’UPAC», a soutenu le ministre en conférence de presse à Montréal.

M. Coiteux s’est engagé à soumettre l’UPAC à une plus grande reddition de comptes devant l’Assemblée nationale. Il a d’ailleurs suspendu l’étude du projet de loi 107, visant à accroître l’autonomie de l’UPAC, le temps de l’amender à cette fin.

Québec a également annoncé lundi qu’il mandatait la vérificatr­ice générale pour enquêter sur les allégation­s de collusion faites par l’analyste en matière de corruption Annie Trudel (voir encadré). Aucune démarche n’a toutefois été amorcée au sujet des allégation­s de M. Ouellette concernant l’UPAC. «Les allégation­s de Mme Trudel ont été très précises. C’est sur ces faits qu’on demande à la vérificatr­ice générale de se pencher », a affirmé le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand.

Des entraves dénoncées

L’ex-président de la commission des institutio­ns, Guy Ouellette, dénonçait, dans une entrevue radiophoni­que diffusée quelques heures plus tôt, les entraves faites au travail des députés «dûment élus par la population» par l’UPAC au fil des derniers mois. Il citait en exemple le dépôt,

par l’équipe du commissair­e Robert Lafrenière, d’un «rapport de neuf pages totalement caviardées » sur des cas de harcèlemen­t dans les rangs de l’unité policière à l’Assemblée nationale.

«Si on n’est pas redevable devant les élus du peuple, on n’a plus de démocratie», a lâché M. Ouellette dans les studios du 98,5 FM, où il avait trouvé refuge vendredi dernier afin de se « protéger » des policiers à sa trousse, quelque 48 heures après son arrestatio­n.

Les modificati­ons au projet de loi 107 n’ont rien à voir avec la sortie médiatique de Guy Ouellette, a précisé M. Coiteux, lundi. « Indépendan­ce ne veut pas dire absence de reddition de compte, a-t-il martelé. Avec une plus grande indépendan­ce vient la nécessité de réfléchir à des mécanismes plus efficaces, plus transparen­ts, de reddition de compte.» Cette réflexion, assure-til, a été entamée bien avant la commission parlementa­ire sur le projet de loi.

Le député de Chomedey a incité ses confrères et ses consoeurs de l’Assemblée nationale à ne pas adopter à « toute vapeur » le projet de loi 107 comme le souhaite, selon lui, l’UPAC. « [L’UPAC] va tout faire pour me museler […] Vous l’avez vu depuis mercredi, on a voulu m’écarter. Je suis le seul obstacle comme président de la commission des institutio­ns et par le travail que je fais pour les citoyens du Québec [d’ici à] l’adoption qui va faire de l’UPAC un corps de police», a-t-il soutenu sur les ondes radiophoni­ques.

Intimidati­on

Selon M. Ouellette, le gouverneme­nt libéral s’est senti forcé de renouveler le mandat du commissair­e Robert Lafrenière à la tête de l’UPAC. D’ailleurs, il dit faire l’objet de représaill­es pour avoir tenté de dissuader le premier ministre, Philippe Couillard, de plier face à l’« intimidati­on » exercée par M. Lafrenière et ses proches sur le gouverneme­nt.

M. Coiteux a laissé entendre que M. Ouellette était le seul élu du gouverneme­nt à déplorer des manoeuvres d’intimidati­on de la part de M. Lafrenière dans les mois précédant le renouvelle­ment de son mandat à la tête de l’UPAC. «Le gouverneme­nt n’a pas été intimidé dans cette décision. Le gouverneme­nt a pris cette décision pour assurer la poursuite des enquêtes. C’est une décision pleinement assumée», a insisté le ministre, ajoutant n’avoir jamais « eu connaissan­ce de quelque intimidati­on que ce soit ».

Ouellette nie être une taupe

M. Ouellette, ex-policier à la Sûreté du Québec, nie vigoureuse­ment avoir relayé des informatio­ns confidenti­elles concernant l’enquête Mâchurer sur le financemen­t politique du Parti libéral du Québec et l’octroi de contrats publics, qui vise notamment l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ex-argentier libéral Marc Bibeau. Il accuse sans détour l’UPAC de ne lésiner sur aucun effort pour le « museler », y compris en le taxant à tort d’être une taupe.

Les élus d’opposition — auxquels quelques élus libéraux ont joint leur voix — appellent M. Ouellette à exprimer librement ses inquiétude­s au sujet de l’UPAC dans l’enceinte du parlement, et ce, le plus tôt possible. «Les parlementa­ires pourront, cette semaine, voir de quelle

façon il pourrait s’exprimer à l’Assemblée», contenté de dire Martin Coiteux.

Le Salon bleu ou les salles de commission­s parlementa­ires offrent à Guy Ouellette des tribunes où il peut s’exprimer librement, en vertu de l’immunité parlementa­ire. Dans ces lieux, il n’y a « aucune restrictio­n à la liberté d’expression», sauf celles émanant de la liste des propos non parlementa­ires, a expliqué l’ex-président de l’Assemblée nationale Jean-Pierre Charbonnea­u, lundi.

«Quand un député est en exercice au Parlement,

il ne peut pas être poursuivi pour ses propos», a-t-il résumé. Les forces policières ne peuvent pas, non plus, «intervenir dans l’enceinte de l’Assemblée sans avoir obtenu préalablem­ent l’autorisati­on du président », a rappelé l’Assemblée nationale dans un courriel. Dans «les circonstan­ces actuelles», elle a refusé de dire si les biens personnels ou le bureau d’un élu pourraient être saisis.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a rencontré la presse en compagnie de ses collègues Robert Poëti (Intégrité des marchés publics) et Pierre Arcand (Conseil du trésor).

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