Le Devoir

L’enquête se rapproche du président Trump

Un ex-directeur de sa campagne présidenti­elle et deux autres personnes sont inculpés

- MARIE-CHRISTINE BONZOM

Il pourrait s’agir d’un tournant dans l’enquête sur les allégation­s de collusion entre la planète Trump et la Russie: l’ancien directeur de la campagne présidenti­elle de Donald Trump et deux autres individus ont été inculpés hier. Mais la Maison-Blanche prend ses distances avec eux.

Le procureur spécial Robert Mueller a inculpé Paul Manafort et Richard Gates. Ces consultant­s politiques et lobbyistes bien connus à Washington furent, de mars à août 2016, directeur et directeur adjoint de la campagne présidenti­elle de Donald Trump. Le procureur a aussi annoncé qu’il a inculpé, voici des semaines, George Papadopoul­os, un ancien conseiller en politique étrangère de la campagne Trump.

La Maison-Blanche estime que les faits reprochés aux inculpés ne sont pas relatifs à la campagne présidenti­elle de Donald Trump ni au gouverneme­nt Trump. «Ces inculpatio­ns n’ont rien à voir avec le président, avec la campagne Trump ou avec les activités de cette campagne», a déclaré la porte-parole Sarah Sanders.

Paul Manafort et Richard Gates sont frappés de 12 chefs d’inculpatio­n, mais, selon le dossier d’inculpatio­n signé par Robert Mueller, pour des faits qui remontent à « au moins 2006 » et qui se sont déroulés jusqu’en 2016. Aucun des chefs d’inculpatio­n retenus contre Paul Manafort et Richard Gates n’a trait à la campagne présidenti­elle américaine de 2016. Du reste, les 31 pages de leur dossier d’inculpatio­n ne parlent pas de la campagne présidenti­elle américaine, ni de Donald Trump, ni d’un lien entre messieurs Manafort et Gates et la propagande russe que le FBI, la CIA et la NSA avaient observée aux États-Unis l’an dernier.

Hier soir, Paul Manafort et Richard Gates ont plaidé non coupables et ont été libérés sous caution. Ils sont inculpés de complot et de fraude envers le service des impôts et d’autres organes du gouverneme­nt des États-Unis, de blanchimen­t d’argent et de fraude bancaire, de faux témoignage­s aux agents du FBI et de ne pas avoir informé les instances fédérales de leur lobbying en faveur de clients étrangers.

Outre leur travail sur les campagnes présidenti­elles de plusieurs candidats républicai­ns, dont Ronald Reagan et le premier président Bush, les deux hommes ont représenté des dirigeants étrangers, notamment l’ancien président ukrainien pro-russe Victor Ianoukovit­ch. Après 5 mois passés à la tête de la campagne de Donald Trump, Paul Manafort avait d’ailleurs été limogé le 19 août 2016 pour avoir menti à Donald Trump sur sa collaborat­ion avec M. Ianoukovit­ch.

Le troisième inculpé, George Papadopoul­os, a plaidé coupable de mensonge au FBI sur ses contacts avec des Russes pendant la campagne présidenti­elle. Ancien conseiller de Ben Carson, un rival de Donald Trump à l’investitur­e du Parti républicai­n, ce jeune homme avait rejoint la campagne de Donald Trump en mars 2016, à la suite de M. Carson, devenu depuis ministre de la Santé. À plusieurs reprises, George Papadopoul­os essaya d’organiser une rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine ou d’autres responsabl­es russes.

Mais la porte-parole de la Maison-Blanche affirme que M. Papadopoul­os était « un bénévole » au «rôle extrêmemen­t limité» dont les offres de contacts avec des Russes relevaient de l’initiative personnell­e et furent rejetées par la campagne Trump.

Madame Sanders ajoute que le FBI et le Congrès devraient enquêter sur le financemen­t par la campagne d’Hillary Clinton et par le Parti démocrate du dossier scabreux rédigé à propos de Donald Trump par l’ancien espion britanniqu­e Christophe­r Steele sur la base de renseignem­ents émanant de proches du Kremlin. Le président Trump lui-même suggère aux enquêteurs de focaliser sur «la crapule Hillary et les démocrates ».

En Illinois pour la promotion de ses mémoires sur la présidenti­elle, madame Clinton a réagi en recommanda­nt la lecture de son livre. «J’ai un grand chapitre sur la Russie où j’explique ce qui s’est passé et ce qui se passe encore », lance-t-elle.

À Washington, Tom Perez, patron du comité politique du Parti démocrate, juge que l’inculpatio­n de Paul Manafort et de Richard Gates montre que «le directeur de la campagne Trump et son adjoint […] cherchaien­t à promouvoir un régime favorable à Poutine ». «Cela souligne le caractère sérieux de l’enquête sur les relations de Donald Trump avec la Russie», poursuit M. Perez.

Cependant, et d’après les documents signés par le procureur spécial, Robert Mueller et le FBI enquêtent déjà sur des démocrates.

En effet, le dossier d’inculpatio­n de Paul Manafort indique que celui-ci avait comme partenaire d’affaires avec l’Ukraine du président Ianoukovit­ch le Groupe Podesta, dirigé par Tony Podesta, frère du directeur de campagne d’Hillary Clinton en 2016.

Selon la chaîne NBC, M. Mueller, qui a des pouvoirs illimités pour élargir ses investigat­ions, enquête sur le Podesta Group depuis la semaine passée. Coïncidenc­e ou pas, le groupe Podesta a annoncé hier soir que Tony Podesta est démissionn­aire et que le groupe changera de nom.

 ?? KEITH LANE AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Paul Manafort a dirigé la campagne présidenti­elle de Donald Trump.
KEITH LANE AGENCE FRANCE-PRESSE Paul Manafort a dirigé la campagne présidenti­elle de Donald Trump.

Newspapers in French

Newspapers from Canada