Économie › Un nouveau patron à la Fed?
Janet Yellen n’aura fait qu’un seul mandat comme présidente de la Réserve fédérale américaine, si la rumeur se confirme jeudi. Donald Trump lui préférerait Jerome Powell.
Tous les yeux du monde économique seront tournés vers la Réserve fédérale américaine (Fed), cette semaine. Pas parce qu’on s’attend à ce qu’elle procède à un autre changement de ses taux d’intérêt, mais parce que le président Trump devrait annoncer qui la dirigera dans les prochaines années.
Pour le moment, la rumeur veut que la présidente sortante de la Fed, Janet Yellen, n’aura pas droit à un deuxième mandat, ce qui serait une première depuis des décennies. Le candidat le mieux placé dans la course à sa succession, que l’ancien animateur de téléréalité Donald Trump a un évident plaisir à animer, serait Jerome «Jay» Powell, un gouverneur de la Fed depuis 2012 qui aurait l’avantage de représenter une certaine continuité tout en ouvrant la porte à un assouplissement des règles financières adoptées dans la foulée de la terrible crise de 2008.
Selon les médias américains, de nombreuses sources proches de la Maison-Blanche indiquent que ce républicain de 64 ans est en tête, mais que le président américain « pourrait encore changer d’avis» d’ici l’annonce officielle attendue jeudi. L’ancien banquier d’affaires, qui n’est pas économiste de formation, compterait aussi sur l’appui du secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin.
Un peu comme il l’avait fait cet hiver au moment de choisir un successeur au juge Antonin Scalia à la Cour suprême, Donald Trump a cherché à ajouter du drame et du suspense à la nomination de la personne qui dirigera pour quatre ans, à compter du mois de février, l’importante, et habituellement austère, banque centrale américaine. Il a fait savoir, mercredi, qu’il avait désormais réduit le nombre de candidats «à deux ou trois personnes», que les observateurs présument être Janet Yellen, Jerome Powell ainsi qu’un économiste de l’Université Stanford et chef de file de la critique conservatrice des politiques de la Fed, John Taylor. «Tout le monde attend ma décision avec impatience », avait déclaré Trump deux jours plus tard dans une vidéo postée sur les médias sociaux. «J’ai quelqu’un de très précis en tête et je pense que tout le monde sera très impressionné.»
L’homme de la situation
Le fait que Donald Trump veuille remplacer la présidente nommée en 2014 par son prédécesseur démocrate, Barack Obama, par un ancien haut fonctionnaire du gouvernement de George Bush père n’est pas une surprise dans un processus devenu, avec le temps, de plus en plus partisan.
Ce qui marque une rupture est qu’un président sortant de la Fed n’ait pas au moins droit à un second mandat. Cela ne s’était pas vu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ce qui étonne les experts est aussi que Donald Trump puisse considérer en même temps des candidats aux points de vue aussi différents. De nombreux républicains ont reproché à Janet Yellen et à son prédécesseur, Ben Bernanke, d’avoir choisi, dans le double mandat de la Fed, de donner préséance à la création d’emplois au détriment du contrôle de l’inflation. Plusieurs voudraient aussi qu’on relâche au moins en partie la loi Dodd-Frank adoptée pour éviter une répétition de la dernière crise financière.
Jerome Powell a largement appuyé les décisions de la Fed depuis son arrivée en 2012. Les observateurs pensent cependant qu’il pourrait facilement se laisser convaincre d’accélérer un peu le rythme de la hausse des taux d’intérêt. Il s’est également dit ouvert cet été à certains assouplissements réglementaires. John Taylor serait aussi favorable à des aménagements à ce chapitre, mais a surtout développé une théorie économique selon laquelle le taux directeur de la banque centrale devrait être au moins deux fois plus élevé.
La nomination de Jerome Powell aurait l’avantage de permettre à Donald Trump de se vanter d’avoir montré la porte à Janet Yellen tout en maintenant une politique monétaire accommodante, qui le sert bien, avec une solide croissance économique, un taux de chômage à son plus bas niveau en 16 ans et des marchés boursiers qui battent des records, notait-on ce week-end dans le New York Times. Quant au relâchement des règles financières, ce travail pourrait revenir au nouveau vice-président à la supervision des marchés nommé récemment à
Fed par le gouvernement Trump, Randal Quarles, qui admettait, au mois de juillet, que la nouvelle loi avait apporté « de la sécurité et de la solidité aux marchés financiers» tout en ajoutant qu’elle avait besoin d’être «raffinée».
Outre le président de la Fed, le gouvernement Trump doit aussi nommer trois autres membres de son Conseil des gouverneurs, qui en compte sept au total, dont le numéro deux de la banque centrale, après le départ la semaine dernière du vice-président Stanley Fischer pour des raisons personnelles.
Pendant ce temps au FOMC
Contrairement au processus de sélection du président de la Fed, la réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) soulèvera peu de passion mardi et mercredi. Tout le monde s’attend à ce qu’il laisse inchangé le taux directeur de la banque centrale dans la fourchette de 1% à 1,25%. Il pourrait toutefois laisser entrevoir une hausse de 0,25 point de pourcentage lors de sa réunion de décembre, ce qui en ferait la troisième cette année.
Le mois dernier, la Fed a tourné une page sur la dernière crise en annonçant la réduction progressive des mesures exceptionnelles d’injection de liquidité dans l’économie adoptées en des jours plus sombres et alors que son taux directeur avait été abaissé à son plancher absolu de 0 %.
En dépit des immenses dommages infligés par le passage des ouragans Harvey, Irma et Maria, les États-Unis viennent d’afficher pour un deuxième trimestre d’affilée un rythme de croissance économique d’au moins 3%. Le taux de chômage, quant à lui, n’est plus que de 4,2 %.