Le Devoir

Des chercheurs mettent au point un outil pour détecter la collusion

Des chercheurs de l’UdeM espèrent outiller les municipali­tés québécoise­s

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Une équipe de chercheurs de l’Université de Montréal a mis au point un nouvel outil qui pourrait permettre aux municipali­tés du Québec de lutter plus efficaceme­nt que jamais contre la collusion et la corruption en scrutant les contrats publics qu’ils accordent.

Le professeur de criminolog­ie à l’Université de Montréal Carlo Morselli et ses collègues ont développé un système permettant de détecter la présence possible de collusion et de corruption dans l’octroi des contrats en procédant à l’analyse de documents publics.

Les résultats préliminai­res de leur recherche, obtenus en fouillant les soumission­s et les contrats accordés par une centaine de municipali­tés québécoise­s entre 2002 et 2013, montrent qu’il aurait été possible de soupçonner la présence d’un système de collusion ou de corruption à l’aide de données objectives, avant la tenue de la commission Charbonnea­u.

«Si les prix sont trop semblables, si une part du marché est

« On aurait pu savoir à l’avance qu’il y avait des municipali­tés qui étaient contaminée­s Carlo Morselli, professeur de criminolog­ie à l’UdeM

concentrée entre les mains de quelques entreprise­s et s’il y a de moins en moins de compétiteu­rs, on peut savoir qu’il y a un problème assez clair, résume le professeur Morselli, qui est également directeur du Centre internatio­nal de criminolog­ie comparée. On aurait pu savoir à l’avance qu’il y avait des municipali­tés qui étaient contaminée­s. C’est juste que la job ne se faisait pas. »

Plusieurs indicateur­s

M. Morselli a commencé à élaborer sa méthode d’analyse il y a environ cinq ans. En compagnie de son étudiant au doctorat Maxime Reeves-Latour, il s’est d’abord attardé au cas de Laval, pour ensuite s’intéresser à d’autres municipali­tés.

L’outil développé par l’équipe de l’Université de Montréal s’appuie sur différents indicateur­s. En passant les données en revue, les chercheurs regardent d’abord si une quantité limitée d’entreprise­s soumission­ne régulièrem­ent dans le même secteur et si ce «noyau» de sociétés se démarque d’un autre groupe de compagnies souvent mises à l’écart.

Si les mêmes firmes soumission­nent de manière très fréquente et que celles en périphérie s’abstiennen­t régulièrem­ent, il est possible que quelque chose cloche.

Pour raffiner l’examen, on calcule ensuite la part des contrats gagnés par les entreprise­s qui soumission­nent le plus souvent.

«Le truquage d’appels d’offres est plus susceptibl­e de se présenter dans un environnem­ent où un noyau central et limité de soumission­naires se partage les contrats dans des proportion­s équivalent­es», écrit M. Reeves-Latour dans sa thèse de doctorat.

On regarde aussi le taux de soumission­s gagnantes des entreprise­s, afin de déterminer si les compagnies qui composent le noyau central s’entendent entre elles pour remporter la majorité des contrats à tour de rôle.

Si ces compagnies ont un taux de soumission­s gagnantes similaire, il peut y avoir matière à questionne­ments.

Le professeur Morselli souligne que la présence d’un indicateur problémati­que ne signifie pas nécessaire­ment qu’il y a collusion ou corruption, mais il souhaite que son outil permette aux villes de cibler rapidement les situations problémati­ques et d’effectuer les vérificati­ons qui s’imposent.

Grand potentiel

Selon M. Morselli, la méthode d’analyse que son équipe et lui ont élaborée au cours des dernières années est la première du genre au monde.

Après avoir analysé des données provenant de municipali­tés québécoise­s pour la période 2002-2013, il souhaite étendre ses recherches pour brosser un portrait couvrant les années 2014-2017.

Il a également l’intention de s’entendre avec des municipali­tés pour leur permettre d’implanter un système de surveillan­ce continue du processus d’octroi des contrats publics.

Et s’il s’est pour l’instant attardé au cas québécois et au secteur de la constructi­on, il soutient que le potentiel de son outil est bien plus grand.

«On peut appliquer le système dans d’autres villes, dans d’autres pays et dans d’autres industries. On pourrait faire la même chose avec des contrats informatiq­ues par exemple, ditil. Ça pourrait aller encore plus loin.»

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les chercheurs de l’Université de Montréal ont développé un système permettant de détecter la présence possible de collusion et de corruption dans l’octroi des contrats.
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Carlo Morselli

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