Le Devoir

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L’ex-directeur de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, et deux de ses conseiller­s font face à la justice. Un tournant décisif dans l’enquête sur l’ingérence de la Russie dans l’élection présidenti­elle de 2016.

Durant la campagne qui a culminé par son improbable victoire, Donald Trump avait promis, entre autres mirages, de s’entourer des conseiller­s les meilleurs et les mieux qualifiés pour l’aider à rendre l’Amérique grandiose à nouveau. De toute évidence, il a raté son coup avec Paul Manafort. Son ancien directeur de campagne et un de ses associés, Richard Gates, ont fait face lundi à 12 accusation­s, dont celles de complot contre les États-Unis, complot pour blanchimen­t d’argent, fausses déclaratio­ns et omission de déclarer des comptes bancaires détenus à l’étranger.

Un conseiller de Trump de moindre envergure, George Papadopoul­os, a plaidé coupable à une accusation d’avoir fait de fausses déclaratio­ns au FBI, et il collabore maintenant à l’enquête du procureur spécial, Robert Mueller. M. Papadopoul­os aurait été en contact avec un professeur lié au gouverneme­nt russe qui se vantait, dès le mois d’avril 2016, d’être en possession d’informatio­ns et de courriels compromett­ant sur la démocrate Hillary Clinton.

Paul Manafort et Richard Gates auraient succombé à l’influence de l’ex-président ukrainien, Viktor Ianoukovit­ch. De 2006 à 2015, ils auraient reçu quelque 75 millions de dollars pour faire avancer les intérêts du gouverneme­nt prorusse en catimini. Ils auraient blanchi 18 millions de dollars en utilisant des dizaines de sociétés-écrans aux États-Unis, à Chypre, aux Grenadines et au Royaume-Uni.

Aux États-Unis, c’est un crime d’exercer des activités de lobbying non déclarées pour le compte d’une puissance étrangère.

Le président Trump gazouille à tue-tête que l’arrestatio­n de Manafort et de Gates n’a rien à voir avec les allégation­s de collusion entre sa garde rapprochée et la Russie pour influer sur les résultats de l’élection présidenti­elle en sa faveur. Il mise sur une stratégie de fuite en avant.

Certes, les gestes reprochés à Paul Manafort et à Richard Gates couvrent les années 2006 à 2015, bien avant que Trump ne prenne d’assaut la Maison-Blanche. Paul Manafort, l’équivalent d’une étoile filante dans l’équipe Trump, a gravité dans l’orbite du candidat républicai­n de mars à juin 2016 seulement. Manafort a été remercié par Trump lorsque le « failing New York Times » a révélé que le directeur de campagne avait touché des ristournes de 13 millions de dollars de la formation politique de Ianoukovit­ch.

Même si Donald Trump n’est pas directemen­t impliqué dans cette histoire, l’arrestatio­n de Paul Manafort est un développem­ent majeur dans l’enquête menée par le procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans l’élection américaine.

En remontant aussi loin que le milieu des années 2000, il fait la démonstrat­ion qu’il retournera toutes les pierres dans son examen de la conduite de Donald Trump et des membres de son entourage. Il a déjà franchi la «ligne rouge» que le président l’avait sommé de ne pas traverser, en posant son regard inquisiteu­r bien en amont du cycle électoral de 2016. Or, Trump l’homme d’affaires a conclu par le passé des ententes financière­s ou commercial­es avec des partenaire­s dans les exrépubliq­ues soviétique­s encore influencée­s par Moscou. L’enquête de Mueller crèvera l’abcès sur la perméabili­té alléguée de M. Trump et de son entourage à l’influence politique et financière de la Russie, pour autant que la Maison-Blanche le laisse faire son travail.

Dans l’immédiat, l’arrestatio­n de Paul Manafort et de Richard Gates envoie un signal strident aux hommes de l’ombre qui auraient pu jouer un rôle d’intermédia­ire auprès d’intérêts russes, afin que la puissance étrangère puisse s’ingérer dans la campagne et salir la réputation de Hillary Clinton.

Ce coup d’éclat pourrait délier des langues, et inciter des témoins importants à collaborer avec les enquêteurs, au risque de connaître eux aussi leur rendez-vous avec la justice. Pour cette simple raison, la chute de Manafort marque un moment décisif dans cette enquête.

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BRIAN MYLES

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