Le Devoir

D’autres ministres ont imité Morneau

Les conservate­urs ont fait la même chose, dit la commissair­e Mary Dawson

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

L’opposition a repris de plus belle ses attaques à la Chambre des communes lundi après avoir appris qu’outre Bill Morneau, d’autres ministres dans le gouverneme­nt de Justin Trudeau détiennent des avoirs n’ayant pas été placés dans une fiducie sans droit de regard. Le premier ministre a avivé les critiques en refusant de donner leurs noms. Mais la commissair­e aux conflits d’intérêts et à l’éthique fournit des munitions aux libéraux en confirmant que la situation était la même sous les conservate­urs.

C’est la commissair­e Mary Dawson qui a mis le feu aux poudres. « Nous confirmons que moins de cinq ministres possèdent présenteme­nt des avoirs qu’ils contrôlent indirectem­ent et dont ils n’ont pas l’obligation de se dessaisir », lit-on dans une déclaratio­n écrite émanant de son bureau. Il pourrait donc y en avoir jusqu’à trois de plus.

«De qui s’agit-il?», ont demandé sans relâche conservate­urs et néodémocra­tes à la période de questions. Plutôt que de répondre, les libéraux sont passés à l’attaque. «Le mécanisme que le ministre des Finances a en place est très similaire aux mécanismes que le précédent ministre conservate­ur des Finances avait. Je présume qu’il a suivi les règles», a raillé M. Trudeau.

Les registres en ligne indiquent que Joe Oliver était effectivem­ent propriétai­re d’une société gérant des investisse­ments. Sur Twitter, M. Oliver a assuré qu’il s’agissait de fonds de placement réguliers dont la détention directe par l’élu est «permise par la Loi sur les conflits d’intérêts ».

Néanmoins, la commissair­e Dawson a donné du poids à cette parade libérale en confirmant au Devoir lundi en fin de journée que la situation n’avait pas été différente sous les conservate­urs de Stephen Harper. « Nous confirmons que moins de cinq ministres détenaient indirectem­ent des avoirs sous la précédente administra­tion. » Aucun nom n’a été fourni.

Filtres anti-conflits d’intérêts

En vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts, les députés fédéraux doivent se dessaisir de leurs biens susceptibl­es de les placer en conflit soit en les vendant, soit en les plaçant dans une fiducie sans droit de regard. Mais la loi ne s’applique pas si le bien est détenu indirectem­ent par l’élu, par le truchement d’une société par exemple. C’est ce qui explique que Bill Morneau n’a pas placé ses actions de l’entreprise familiale Morneau Shepell dans une telle fiducie. (Et c’est ce qui expliquera­it les autres cas libéraux et conservate­urs mentionnés par Mme Dawson.) La controvers­e vient du fait que Bill Morneau s’est plutôt doté, comme le lui avait recommandé la commissair­e, d’un «filtre anti-conflits d’intérêts» : son chef de cabinet lui intime de sortir d’une réunion lorsqu’un sujet susceptibl­e d’affecter ses affaires est abordé.

Selon les registres en ligne, les ministres libéraux Amarjeet Sohi (Infrastruc­tures et Collectivi­tés) et Jody Wilson-Raybould (Justice) ont eux aussi de tels filtres. M. Sohi a expliqué que son filtre vise la part (1/36) détenue par son épouse dans une parcelle agricole dont la valeur pourrait être modifiée par un éventuel projet d’infrastruc­ture. Dominic LeBlanc (Pêches et Océans) a aussi un tel filtre, mais pour se placer à l’abri de son amitié avec James Irving, membre du puissant clan atlantique du même nom.

À la Chambre des communes, les libéraux se sont amusés à rappeler que les anciens ministres conservate­urs Denis Lebel et Lisa Raitt s’étaient aussi dotés de tels filtres. Leurs cas sont cependant similaires à celui de M. LeBlanc.

Pour le NPD, cette guerre de mots ne devrait rassurer personne. «Je pense que l’argument libéral consiste à dire que les conservate­urs ont fait aussi grave qu’eux. Je ne suis pas certain que cela sied à un premier ministre qui a pris le pouvoir en promettant de faire tellement mieux que Stephen Harper », a lancé le député Nathan Cullen.

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