Le Devoir

Québec recule sur les forages dans les cours d’eau

- ALEXANDRE SHIELDS

Après avoir ouvert la porte aux forages pétroliers et gaziers dans les lacs et les rivières du Québec, le gouverneme­nt du Québec recule. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, promet aussi qu’aucun projet d’énergie fossile ne pourra voir le jour s’il ne bénéficie pas de l’« acceptabil­ité sociale» nécessaire.

Dans le cadre d’un discours devant les membres de l’Associatio­n pétrolière et gazière du Québec (APGQ), lundi, le ministre Moreau a mis la table en vue d’un recul du gouverneme­nt sur certaines dispositio­ns très controvers­ées des projets de règlement sur les forages déposés le mois dernier dans la foulée de l’adoption de la Loi sur les hydrocarbu­res.

«Le gouverneme­nt du Québec n’autorisera jamais l’exploratio­n ou l’exploitati­on d’hydrocarbu­res dans les cours d’eau, dans les parcs nationaux, à proximité des garderies, des cours d’école, dans les espaces résidentie­ls ou au coeur des zones urbaines», a promis le nouveau ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles.

«Je m’adresse à ceux qui font croire le contraire et qui tiennent un discours alarmiste. Il faut cesser de faire peur au monde», a-t-il ajouté. Mais pour le moment, les projets de règlement rédigés par son ministère, et qui sont soumis à des consultati­ons jusqu’en décembre, permettrai­ent les forages dans les lacs et les rivières. Ils permettrai­ent aussi les forages à 175 mètres des secteurs résidentie­ls, ou encore à 275 mètres des écoles, des garderies et des hôpitaux.

Les propos du ministre Moreau indiquent donc qu’il a pris note de la controvers­e soulevée par ces dispositio­ns. Les municipali­tés, par exemple, ont clairement fait valoir leur opposition aux projets pétroliers et gaziers près des zones habitées.

Fracturati­on

«Cela ne veut pas dire qu’on va reprendre l’exercice depuis le début», a-t-il précisé par la suite, lors d’un point de presse, tout en se disant ouvert à «resserrer» les dispositio­ns réglementa­ires déjà élaborées par le gouverneme­nt. Le ministre ne compte donc pas retirer purement et simplement les projets de règlement, comme le réclament les groupes environnem­entaux.

Pierre Moreau ne s’est pas non plus engagé à retirer de la réglementa­tion provincial­e la possibilit­é de mener des forages avec fracturati­on hydrauliqu­e. Il a toutefois réaffirmé, devant les membres de l’APGQ, que le recours à cette technique était pour ainsi dire impossible à envisager au Québec.

«Il nous apparaît, désormais, difficile de soutenir que l’exploratio­n et l’exploitati­on par fracturati­on hydrauliqu­e satisfont aux critères d’acceptabil­ité sociale», a-t-il dit, ajoutant que cette « acceptabil­ité sociale » serait «le premier critère» pris en considérat­ion par le gouverneme­nt.

Le ministre n’entend pas pour autant annuler les permis d’exploratio­n en vigueur dans les basses-terres du Saint-Laurent, où les entreprise­s souhaitent y exploiter essentiell­ement du gaz de schiste, donc en procédant à des travaux de fracturati­on.

Pour le président de l’APGQ, Michael Binnion, la fracturati­on hydrauliqu­e serait toutefois une technique tout à fait «sécuritair­e» pour l’exploitati­on, alors qu’il dit appuyer ses propos sur plusieurs études scientifiq­ues menées sur le sujet. Il a invité le gouverneme­nt à prendre connaissan­ce de ces études.

M. Binnion, président et chef de la direction de l’entreprise Questerre, a d’ailleurs plaidé lundi pour la réalisatio­n d’un projet de forage avec fracturati­on, dans les basses-terres du Saint-Laurent, afin d’évaluer la sécurité d’une telle technique au Québec. L’entreprise Questerre détient plusieurs permis dans cette région. Elle n’est cependant pas la seule. Une douzaine d’entreprise­s y contrôlent plus de 16 000 km2 de permis.

Besoin d’hydrocarbu­res

Pierre Moreau a par ailleurs réaffirmé que le gouverneme­nt Couillard est favorable à l’exploitati­on pétrolière et gazière, dans le but de nous « enrichir collective­ment », mais tout en suivant «une approche réaliste, équilibrée et mesurée, dans le seul intérêt des Québécois ».

«Je pose la question: pour quelle raison n’utiliserio­ns-nous pas, ici, au Québec, et à notre profit, pour financer le développem­ent des nouvelles énergies vertes, les revenus provenant de toutes nos ressources naturelles?», a-t-il souligné, devant des membres de l’industrie.

«S’il y a une acceptabil­ité sociale pour une exploitati­on locale, en vue d’une consommati­on sur le marché domestique, pourquoi est-ce que le gouverneme­nt devrait s’y opposer?», a-t-il aussi demandé, en réponse aux questions des journalist­es.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, discute avec le président de l’Associatio­n pétrolière et gazière du Québec, Michael Binnion, également président de l’entreprise Questerre.

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