À défaut d’indépendance, le Pays basque revendique « l’autonomie »
Le président Urkullu vante le « dialogue permanent » entre Ottawa et Québec
Loin du tumulte catalan, le gouvernement indépendantiste du Pays basque espagnol mise sur le «réalisme» et sur «l’autonomie» pour se faire reconnaître en tant que nation dans un État qui réprime sans ménagement toute forme d’aspiration à la souveraineté.
Le président du gouvernement basque, Inigo Urkullu, a vanté lundi à Montréal les vertus du «dialogue permanent» entre Ottawa et les indépendantistes québécois qui seraient tentés de faire un troisième référendum sur la souveraineté. Le leader basque connaît l’aversion des souverainistes québécois pour la loi fédérale sur la clarté, mais souligne que cette loi impose à Ottawa « l’obligation de négocier».
«Le cas Québec-Canada est un modèle particulièrement remarquable », a déclaré Inigo Urkullu dans un discours devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), lundi midi. Le dirigeant de 56 ans a prononcé un discours en espagnol entrecoupé de phrases en euskara, la langue basque.
«Le Québec a la capacité de décider de son propre avenir et de consulter sa société, a ajouté le président basque. […] Je suis persuadé que, tôt ou tard, l’Union européenne devra aborder une “directive sur la clarté” pour répondre aux aspirations des différentes nations qui la composent.»
Six ans après l’abandon de la violence par le mouvement séparatiste basque ETA — qui a fait plus de 800 morts en quatre décennies —, le gouvernement indépendantiste de cette région espagnole prend une direction totalement opposée à celle de la Catalogne. Pragmatique, le président basque dénonce sur toutes les tribunes la stratégie du gouvernement de Carles Puigdemont, qui a tenu un référendum sur l’indépendance malgré les sévères mises en garde de Madrid.
Le leader basque s’oppose tout aussi fermement à la ligne dure du gouvernement espagnol, qui a réprimé violemment les électeurs qui se présentaient aux urnes, en plus d’accuser de « rébellion » une série de dirigeants catalans.
«J’ai dit vendredi dernier qu’il n’est pas clair s’il y a eu ou non une déclaration d’indépendance. J’ai dit aussi que la bonne foi et le dialogue sont la base d’une négociation avec une volonté d’accord. Ceci n’existe pas dans l’État espagnol », dit-il.
Aspiration à l’égalité
Pour tenir un référendum sur l’indépendance, Inigo Urkullu soutient qu’il faut s’inspirer de la Loi sur la clarté référendaire canadienne ou de l’expérience écossaise de 2014 : accord entre les deux parties à toutes les étapes du processus référendaire, y compris sur une «majorité claire» pour les tenants du Oui et du Non.
En attendant la tenue d’un improbable référendum au Pays basque, le président Urkullu tente d’arracher davantage «d’autonomie», une « souveraineté partagée» ou même un « fédéralisme asymétrique».
De quoi rappeler les cinq dernières décennies de débat constitutionnel au Québec.
«Nous aspirons à réconcilier le principe démocratique et le principe de l’égalité, a-t-il dit devant 80 convives réunis au CORIM. Nous aspirons à la reconnaissance de notre réalité nationale et à l’adoption de la plurinationalité de l’État espagnol. Nous considérons que l’issue du labyrinthe politique territorial de l’État espagnol est le modèle de la relation confédérale. La fédération est un chemin de liberté parce qu’elle naît d’un engagement entre égaux. »
Le gouvernement basque compte profiter de discussions visant à réformer l’Union européenne pour revendiquer une voix pour les «nations sans États ». Inigo Urkullu a signalé son intention à Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, lors d’un entretien plus tôt cette année.
Langue et culture
D’ici là, le gouvernement basque a obtenu une autonomie fiscale qui lui permet de collecter taxes et impôts et d’assumer ses responsabilités, notamment en matière de santé, d’éducation, de lutte contre la pauvreté et de développement économique, explique le président Urkullu.
Le combat pour l’indépendance du Pays basque vise à protéger la culture de ce peuple du nord-est de l’Espagne, tout en respectant la diversité et le «vivre ensemble». Le gouvernement prône ainsi une politique d’accueil envers les réfugiés.
La promotion de la langue fait aussi partie des priorités du gouvernement. Comme la langue catalane, l’euskara était interdit sous la dictature de Franco. «À l’école, si on parlait euskara on était punis. Je l’ai vécu moi-même», dit Inigo Urkullu.
La langue connaît un regain de vie : 36 % de la population du Pays basque est désormais bilingue, dont 75% chez les jeunes, souligne le président. Le défi consiste à protéger la langue à l’ère du numérique, selon lui.
Par ailleurs, le gouvernement Couillard se prépare à signer ce mardi une entente de collaboration avec le gouvernement basque en vue d’accélérer les échanges économiques et culturels entre le Québec et cette région espagnole.
Le président basque doit rencontrer le premier ministre ainsi que des représentants du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec, indique-t-on.