L’Espagne reste dynamique, mais les craintes autour de la crise catalane persistent
La croissance espagnole s’est de nouveau montrée vigoureuse au troisième trimestre, mais la crise en Catalogne, région qui représente le cinquième du PIB national, pourrait ralentir l’économie à moyen terme.
Entre juillet et septembre, le PIB espagnol a continué à croître à un rythme soutenu, gagnant 0,8% par rapport au trimestre précédent, selon la première estimation publiée lundi.
Mais cette bonne nouvelle a un écho limité en Espagne, car les chiffres, clos le 30 septembre, ne reflètent pas les affres dans lesquelles le pays est plongé depuis le référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre en Catalogne, qui a donné le coup d’envoi d’un féroce bras de fer entre Madrid et les indépendantistes catalans. Tous les regards sont déjà tournés vers l’impact qu’aura sur l’économie la plus grave crise politique depuis le retour de l’Espagne à la démocratie en 1977, qui a culminé vendredi avec la proclamation d’indépendance du Parlement catalan, aussitôt contrée par une mise sous tutelle de la Catalogne par l’État central.
Si le gouvernement maintient sa prévision de croissance pour 2017, à 3,1 % du PIB, il a déjà revu à la baisse ses ambitions pour 2018 à 2,3 % contre 2,6 % espérés auparavant, en raison de l’incertitude provoquée par la situation en Catalogne. En octobre, la région a fait face à un « coup de frein en matière de décisions d’investissement et de consommation, une contraction des crédits», a déclaré lundi le ministre de l’Économie Luis de Guindos.
Économie touristique
La Catalogne est, avec Madrid, l’un des principaux moteurs économiques de l’Espagne, fournissant environ 19% du PIB espagnol et accueillant 16% de la population. Forte de puissantes industries exportatrice (agroalimentaire, chimie, automobile), la région est aussi la plus visitée d’Espagne. Quelque 18 millions de touristes étrangers ont visité Barcelone et les plages de la Costa Brava en 2016.
Mais le tourisme a déjà encaissé un coup dur: dans les deux premières semaines d’octobre, le secteur a vu son chiffre d’affaires chuter de 15% sur un an, et les réservations jusqu’à la fin de l’année sont en baisse de 20 %, selon la fédération patronale Exceltur. «Il est très probable que la destruction d’emplois dans le secteur de l’hôtellerie ait également été intense», dans un secteur où beaucoup de serveurs et femmes de chambre sont employés en contrats précaires, estime dans une note José Carlos Diez, économiste proche du parti socialiste. En parallèle, « les commerces du centre de Barcelone [zone privilégiée des manifestations] déplorent une diminution de leurs ventes », indique un rapport de la chambre de commerce, qui prévoit des conséquences «à moyen terme sur l’investissement, la consommation et l’emploi ».
Transferts d’entreprises
Autre grande source d’inquiétude: la décision de plus de 1800 entreprises de transférer leur siège social hors de la Catalogne depuis le 1er octobre, dont les banques CaixaBank et Banco Sabadell, le groupe gazier Gas Natural et le groupe autoroutier Abertis. Quelles conséquences auront ces décisions, censées tout d’abord être purement juridiques? Les dirigeants de Caixa et Sabadell ont affirmé que, tout en n’impliquant pas de mouvements d’employés, ces décisions n’étaient « pas temporaires ».
Le principal syndicat patronal catalan, Foment del Treball craint, pour certaines entreprises, «un transfert graduel de biens et services produits en Catalogne vers les nouveaux sièges ». «Parfois, il faut du temps pour que ce genre de décision produise ses effets» mais l’incertitude, «c’est certain, détruira de l’emploi en Catalogne à moyen terme », affirme Enrique Sanchez, président du groupe d’intérim Adecco en Espagne, dans un entretien au quotidien économique Expansion. Selon l’agence de notation SP Global, la région pourrait même souffrir d’une récession.
L’impact sur le reste de l’Espagne dépendra en fait de la durée de la crise, estiment la plupart des analystes, alors que des élections régionales ont été convoquées pour le 21 décembre. Après seize trimestres de croissance consécutifs, «l’Espagne peut supporter un revers temporaire», estime Holger Schmieding, analyste chez Berenberg.
En outre, même si la Bourse a fortement chuté à Madrid ces dernières semaines, «la réaction sur les marchés obligataires continue d’être extrêmement calme par rapport à la gravité de la situation politique», ce qui limite le risque de contagion économique à la zone euro, estime Angel Talavera du cabinet Oxford Economics.