Le Devoir

Des hausses salariales de nouveaux élus suscitent le débat

Dans la foulée des élections municipale­s, les maires de Percé et de Carleton-sur-Mer ont décidé eux-mêmes d’augmenter considérab­lement leurs salaires afin de pouvoir se consacrer à leur poste à temps plein. Et cette situation pourrait se reproduire dans l

- THIERRY HAROUN à Percé Le Devoir Collaborat­eur

La nouvelle mairesse de Percé, Cathy Poirier, a décidé de doubler son salaire, le faisant passer de 29 855 $ (salaire de base de 19 903 $ et allocation de dépenses de 9 952$) à 60 000$ (salaire de base de 44 000 $ et allocation de dépenses de 16 000 $). Les allocation­s de dépenses sont non imposables. «Je suis à l’aise avec cette situation. Je crois que c’est raisonnabl­e considéran­t les tâches à combler comme maire à temps plein », a fait valoir l’élue en référence à la hausse de sa rémunérati­on.

Le traitement total des huit conseiller­s, pour une population de quelque 3300 habitants, sera aussi à la hausse, passant de 7500 $ à 10 500 $.

Ces hausses ont fait l’objet d’un avis public dans le journal local mercredi dernier et passeront au vote lors de la séance publique du 9 janvier prochain.

Mme Poirier tient à rappeler que la rémunérati­on de

29 855$ était destinée à un poste à temps partiel et qu’en campagne électorale, elle avait clairement dit vouloir se consacrer à son travail d’élue à temps plein. Elle admet toutefois ne pas avoir indiqué sa volonté d’augmenter son salaire une fois au pouvoir lors de cette campagne. «C’est un choix que j’ai pris de ne pas l’avoir dit en campagne. En toute transparen­ce, je vous dirais que je me suis posé la question et je me suis dit que, si je le faisais, j’embarquera­is dans un sujet qui ferait la une. J’ai plutôt choisi de parler de mon mandat et des enjeux », se défend-elle en assumant pleinement sa décision.

Intention dévoilée

Le tout nouveau maire de Carleton-sur-Mer (quelque 4000 habitants), Martin Lapointe, a de son côté dévoilé en campagne électorale son intention de faire de ce poste un travail à temps plein et d’augmenter son salaire. «J’ai été transparen­t. Je m’implique à temps plein. Je ne suis pas à la retraite et je ne suis pas indépendan­t de fortune. Pour moi, c’est un emploi. » Sa rémunérati­on totale passera sous peu de 41 760 $ à 55 000 $.

À titre comparatif, le maire de Bonaventur­e (quelque 2800 habitants), Roch Audet, nous confirme par courriel que sa rémunérati­on totale est de 63 638 $. À Grande-Rivière (population de 3456), la rémunérati­on totale du maire est de 38 523 $, soit 21 500 $ de moins qu’à Percé à population égale et 25 000 $ de moins que Bonaventur­e pour une population plus élevée. À New Richmond, la rémunérati­on totale du maire est de 57 494$ (population de 3800). À Chandler, elle est de 48 000$ (population de 7546), soit 12 000$ de moins qu’à Percé pour le double de population. Finalement, à Gaspé, elle est de 89 609$ (près de 15 000 habitants).

L’arbitraire

Autant de variations dans les rémunérati­ons que se votent les élus font dire à certains que cela tient de l’arbitraire. «Oui, je pense en effet qu’il faut établir des paramètres qui pourraient être définis en fonction de la taille de la municipali­té et de son assiette fiscale, lance Michel Fortier, professeur titulaire à l’Université du Québec à Rimouski en éthique et gestion. C’est sûr que ça ne joue pas en faveur d’un maire de pas en avoir parlé en campagne électorale et soudaineme­nt on multiplie son salaire. Et je comprends certaines personnes d’en être fâchées. Mais en même temps, il faut être conscient qu’il y a un redresseme­nt salarial à faire pour que tous puissent accéder à une fonction publique dans des conditions raisonnabl­es.»

Pour M. Fortier, la somme de 60 000 $ que s’est accordée la mairesse de Percé semble «correcte» étant donné la complexité du travail des maires.

Avec l’adoption du projet de loi 122, qui reconnaît les municipali­tés comme des gouverneme­nts de proximité, Québec va se retirer de la gestion des salaires dès le 1er janvier prochain, confirme le président de l’Union des municipali­tés du Québec, Alexandre Cusson. Il n’y aura plus de minimum ni de maximum au titre de la Loi sur le traitement des élus (qui établissai­t des échelles selon le nombre d’habitants).

Rien pour régler l’arbitraire qui prévaut, admet M. Cusson, qui va devoir mettre à jour le Guide sur la rémunérati­on des élus que son organisme a produit en 2015 afin de mieux accompagne­r les élus dans leurs décisions. «Ce sera aux municipali­tés, qui sont autonomes, d’utiliser ce guide ou non. C’est certain que si on augmente son salaire de manière considérab­le sans se baser sur des éléments bien précis, à tout le moins sans en avoir parlé, ça donne une drôle d’impression.»

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