Le Devoir

Perte coûteuse pour les diabétique­s

Lebouthill­ier accusée de mentir sur les modificati­ons à l’admissibil­ité au crédit d’impôt

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

La ministre fédérale du Revenu, Diane Lebouthill­ier, se retrouve sur la sellette pour avoir prétendu que les règles fiscales s’appliquant aux personnes diabétique­s n’ont pas changé, alors qu’un courriel semble indiquer le contraire.

Depuis des semaines, les associatio­ns de défense des personnes atteintes du diabète de type 1 sonnent l’alarme. Leurs membres se font refuser par l’Agence du revenu du Canada (ARC) le crédit d’impôt pour personnes handicapée­s, d’une valeur annuelle de 1200 $, auquel ils avaient eu droit dans le passé.

Pressée de questions à la Chambre des communes par l’opposition conservatr­ice, la ministre Lebouthill­ier répète qu’« aucune modificati­on n’a été apportée aux critères d’admissibil­ité au crédit d’impôt pour les personnes handicapée­s et pour les personnes diabétique­s ».

Or, Diabète Canada et la Fondation sur le diabète juvénile (FRDJ) ont obtenu par la Loi sur l’accès à l’informatio­n une note interne de l’ARC qui dit apparemmen­t le contraire.

«Nous désirons vous informer des modificati­ons apportées aux procédures et versets des soins thérapeuti­ques essentiels concernant l’adulte atteint du diabète», peut-on lire dans ce courriel du 2 mai dernier, destiné à l’ensemble des fonctionna­ires travaillan­t au Programme pour personnes handicapée­s.

«Sauf circonstan­ces exceptionn­elles, l’adulte atteint du diabète peut en général gérer son insulinoth­érapie au quotidien sans prendre 14 heures par semaine. »

On m’a refusée cette année, malgré le fait que ma demande était la même qu’auparavant Jillene Combs, une diabétique albertaine

Refus

Cette dernière précision est au coeur du litige car, selon l’ARC, une personne a droit au crédit d’impôt seulement si elle consacre au moins 14 heures par semaine à des «soins thérapeuti­ques essentiels».

Jillene Combs, une diabétique albertaine qui s’est déplacée jusqu’à Ottawa lundi pour témoigner de sa situation, a expliqué que son attestatio­n médicale a été refusée cette année alors qu’elle avait été approuvée pour les cinq précédente­s années, et ce, même si son médecin est le même.

«On m’a refusée cette année, malgré le fait que ma demande était la même qu’auparavant. […] J’ai les mêmes dépenses extraordin­aires à cause de mon diabète et j’y consacre exactement autant de temps que lorsque j’ai été approuvée la dernière fois.»

Le président de FRDJ, Dave Prowten, avance que le gouverneme­nt fédéral présume probableme­nt — à tort selon lui — que les avancées technologi­ques permettent désormais de contrôler en moins de 14 heures le diabète de type 1.

Selon Kimberley Hanson, la directrice des affaires fédérales à Diabète Canada, entre 700 et 800 personnes auraient été refusées par l’ARC cette année. L’ARC est incapable de contredire ces chiffres, car elle ne dispose pas pour l’instant d’une ventilatio­n par maladie du crédit d’impôt pour personnes handicapée­s.

Pertes financière­s

La perte du crédit d’ impôt a un autre impact pécuniaire important: l’ inadmissib­ilité au Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Le REEI vise à inciter les personnes atteintes d’une maladie chronique à épargner en vue d’un congé forcé prolongé. Pour ce faire, Ottawa y verse jusqu’à 3500 $ par année pourvu qu’une personne y investisse 1500$ de sa poche.

Selon Mme Hanson, les personnes qui se font retirer le crédit d’impôt doivent fermer leur REEI et rembourser à Ottawa les allocation­s versées, même si celles-ci ont été versées pendant une période où la personne était considérée par l’ARC comme handicapée. « Je connais plusieurs personnes qui ont accumulé 50 000 $ et qui vont perdre près de 40 000 $. »

Mme Hanson s’est gardée d’accuser directemen­t la ministre d’avoir menti, se contentant de dire que ses déclaratio­ns «ont surpris». «Il y a beaucoup de frustratio­n ».

À la Chambre des communes, les conservate­urs n’ont pas eu cette pudeur. « Elle a déclaré dans cette Chambre des faussetés et elle a augmenté les impôts des plus vulnérable­s du pays», lui a lancé Pierre Poilièvre. La ministre a répété que rien n’avait changé.

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JOHN LOCHER ASSOCIATED PRESS Les personnes atteintes du diabète de type 1 doivent s'injecter de l'insuline afin de compenser l'insuffisan­ce du pancréas à en produire. Comme les traitement­s sont quotidiens — souvent plusieurs fois par jour —, le patient doit apprendre à...

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