Le Devoir

Les élues ne croient pas à l’atteinte de la parité à l’Assemblée nationale

- JOCELYNE RICHER à Québec

Ce n’est pas demain la veille que l’égalité hommesfemm­es sera proclamée à l’Assemblée nationale. Le grand soir pourrait même ne jamais survenir, si on se fie aux femmes qui siègent présenteme­nt au parlement.

En 2017, la politique demeure donc un monde d’hommes dont les femmes se sentent encore aujourd’hui exclues, selon ce qu’ont indiqué les élues québécoise­s, députées et ministres, en réponse à un sondage préparé par La Presse canadienne.

Questionné­es à savoir dans combien de temps, selon elles, l’Assemblée nationale pourrait prétendre être un lieu vraiment égalitaire, composé à 50% de femmes, une majorité d’élues affichent un scepticism­e certain. Plus de la moitié d’entre elles estiment carrément que cela n’arrivera «probableme­nt jamais» (21%) ou «dans 100 ans, peut-être» (33 %), mais pas avant.

La moitié des ministres (3 répondante­s sur 6) estiment aussi que l’égalité au parlement n’arrivera probableme­nt jamais ou en tout cas certaineme­nt pas avant un siècle.

Ce pessimisme ambiant apparaît clairement dans le sondage mené par La Presse canadienne auprès des élues. Le questionna­ire composé d’une trentaine de questions, autour de deux thèmes (place des femmes en politique et harcèlemen­t sexuel), a été distribué en novembre aux 37 femmes parlementa­ires. Du total, les deux tiers (24) ont accepté d’y répondre (65%), alors que 13 ont refusé (35 %).

Parmi les 24 participan­tes, on compte 18 députées de toutes les formations politiques et six ministres du gouverneme­nt Couillard, soit un échantillo­nnage représenta­tif de l’ensemble.

Afin de permettre aux femmes politiques de s’exprimer en toute liberté, sans autocensur­e, la démarche était confidenti­elle et l’anonymat des répondante­s a été préservé. Deux participan­tes, la libérale Karine Vallières et la solidaire Manon Massé, ont tenu quant à elles à témoigner à visage découvert, en se confiant dans le cadre d’une entrevue.

Portrait type

Le portrait type de la parlementa­ire québécoise pourrait ressembler à ceci: elle est féministe (79%), elle considère qu’il est encore aujourd’hui plus difficile pour une femme que pour un homme de faire sa place en politique (67%), elle souhaite que les partis fassent plus d’efforts pour attirer des candidatur­es féminines (91 %), mais préfère la «zone paritaire» de 40% de candidatur­es féminines à l’idée d’imposer un nombre égal de candidats des deux sexes.

Cinq ministres sur six et trois députées sur quatre (75%) affirment que les partis devraient s’engager à atteindre la zone dite «paritaire» en présentant au moins 40% de femmes aux prochaines élections générales, en 2018. Une seule ministre et seulement 13% des députées proposent d’imposer un nombre égal d’hommes et de femmes. À l’heure actuelle, Québec solidaire est le seul parti dont la moitié des candidats doivent être des candidates.

Les élues déplorent que les dirigeants et organisate­urs des partis politiques se préoccupen­t trop peu de ces questions, contrairem­ent à elles. Toutes les ministres interrogée­s et 88% des députées disent s’intéresser «énormément» à la place des femmes en politique.

Le manque d’intérêt des partis envers les femmes ne constitue cependant pas à leurs yeux le principal obstacle à l’accroissem­ent du nombre de candidatur­es féminines. Ministres et députées identifien­t clairement les obligation­s familiales au sommet de la liste des obstacles. Viennent ensuite le manque de confiance en soi, le manque d’intérêt des femmes elles-mêmes pour la politique ou encore le cynisme ambiant envers la politique et ceux qui la pratiquent.

Consultati­on en ligne

La députée libérale de Richmond, Karine Vallières, s’intéresse de près à cette question de la place des femmes en politique. Depuis deux ans, elle supervise un mandat d’initiative visant à recommande­r des moyens concrets pour accroître à court terme le nombre de candidatur­es féminines.

Une consultati­on en ligne a été menée et 400 personnes y ont répondu à ce jour, chacune présentant ses propositio­ns. Cette semaine, une commission parlementa­ire entendra pendant deux jours des intervenan­ts présenter leurs mémoires sur le sujet.

En entrevue, Mme Vallières dit ne pas attendre le «grand soir», préférant mettre de l’avant les mesures concrètes que le gouverneme­nt, l’Assemblée nationale et les partis politiques pourraient prendre à court terme pour lever les obstacles et faciliter les choses pour les candidates. Au terme de l’exercice, la députée souhaite fournir une réponse à cette question: «Comment fait-on pour y arriver?» Elle se dit «réaliste» et convaincue que l’égalité au parlement ne sera pas acquise «demain matin», d’autant plus qu’il faudra vaincre les réticences des femmes elles-mêmes.

À plus long terme, elle est d’avis que le système d’éducation devrait faire davantage pour sensibilis­er les jeunes filles «très tôt» dans leur parcours scolaire à l’importance de s’impliquer politiquem­ent.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Parmi les 24 participan­tes au sondage de La Presse canadienne, on compte 18 députées de toutes les formations politiques et six ministres du gouverneme­nt Couillard.

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