Le Devoir

Culture La Torontoise Tamara Lindeman au Divan Orange mercredi

La Torontoise Tamara Lindeman sera sur la scène du Divan Orange mercredi

- PHILIPPE RENAUD

«C’est intéressan­t de sentir comment les chansons surgissent de cet endroit profond et étrange qu’on a en nous», dit Tamara Lindeman, alias The Weather Station. «Tu vois, je ne me suis jamais sentie poussée à écrire une chanson sur autre chose, ou quelqu’un d’autre, que moimême. Je crois vraiment à l’importance de s’approcher de la vérité en écrivant, mais je ne crois pas encore connaître la vérité à propos de qui je suis. Chaque chanson que j’écris me permet ainsi de mieux comprendre quelque chose que j’ai vécu et que je ne comprenais pas tout à fait. »

Nous discutions, elle à Philadelph­ie où sa tournée faisait escale, moi à Montréal, de la saine distance à mettre (ou non) entre ce qui relève de l’intime et ce qui doit être révélé au public. Du travail d’écriture comme reflet de la réalité ou, au contraire, comme une manière de raconter des histoires. Lindeman penche plutôt du côté de l’intime, mais admire les auteurs-compositeu­rs qui chantent des histoires, citant John Prine, Bob Dylan ou encore Gordon Lightfoot «qui marche sur ce fil entre l’intime et le récit». «Mais par-dessus tout, chez Gordon, c’est son phénoménal talent de mélodiste que j’admire. Ça et sa voix.»

La musicienne et l’actrice

La notion du vrai et du faux, de l’intime et de l’imaginaire, rejoint les deux métiers de la Torontoise. Ce mercredi sur la scène du Divan Orange, elle sera The Weather Station, auteure-compositri­ce-interprète tendrement folk qui a lancé en octobre son superbe et chaleureux quatrième album, The Weather Station ; un autre jour sur votre petit écran, elle redeviendr­a l’activiste Edna Brooks de la série policière canadienne Murdoch Mysteries, l’un des nombreux rôles qu’elle a tenus, au cinéma et à la télévision, depuis presque deux décennies.

«Se pose tout de même la question: comment puis-je savoir quel détail de ma vie personnell­e je dois mettre en chanson, et quelle autre part je dois garder pour moi-même? Le dilemme m’intéresse. Devrais-je écrire des chansons à propos de quelqu’un d’autre? Inventer des vies? Pour l’instant, je cherche plus simplement à exprimer de manière captivante les émotions que je ressens. »

Cette simplicité lui va comme un gant. Depuis dix ans, Tamara a écrit et enregistré quatre albums entre deux tournages. Les deux premiers parus à compte d’auteure, au rayonnemen­t confidenti­el, les deux derniers édités ici par Outside, et ailleurs dans le monde par la petite étiquette Paradise of Bachelors. «C’est vrai que maintenant que la musique se répand partout sur le Web, on s’imagine pouvoir rejoindre très facilement un public, et c’est aussi vrai que certains fans sont tombés un peu par hasard sur mon travail grâce à l’accès que permet Internet. Mais ça fait vraiment une différence de pouvoir travailler avec une maison de disques. Il y a tellement de groupes différents qui tentent eux aussi de se faire connaître, la maison de disques t’aide à te faire connaître à l’extérieur du Canada», où elle tourne régulièrem­ent depuis le succès d’estime du précédent album, Loyalty, paru il y a deux ans.

Dans l’incertitud­e

Ce nouvel album, qui porte son nom de scène, représente toutefois un sommet dans sa carrière musicale. Il n’y a pas que le texte qui relève de l’intime, mais aussi le ton: la voix calme et veloutée (on pourra la comparer à celle de Laura Marling), le grand thème de l’incertitud­e qu’elle admet être autant le reflet de notre époque que de sa génération (elle a 33 ans). Lentes et limpides, ses chansons sont enrobées de mélancolie et d’une précieuse tendresse.

C’est Tamara qui assure seule la réalisatio­n, avec un coup de main des collègues pour les orchestrat­ions; la prise de son, la manière dont tombent les accords de piano droit, la discrétion des cordes et la vivacité de sa performanc­e vocale nous donnent l’impression qu’elle chante là, dans notre salon, avec ses musiciens. Ils seront trois à l’accompagne­r sur scène mercredi soir.

Au moment de la sortie de ce superbe quatrième album presque unanimemen­t applaudi par la critique d’ici et d’ailleurs, l’auteure-compositri­ce-interprète a déclaré qu’il s’agissait de son disque « rock’n’roll ». Une bonne blague: certes, elle a dépouillé sa chanson folk des éléments roots, parfois bluegrass, que l’on reconnaiss­ait sur ses trois précédents, et usé plus que d’ordinaire des sonorités grondeuses de la guitare électrique, mais jamais au point de pouvoir le qualifier de rock’n’roll.

«Ça m’amusait de dire que c’était mon disque rock’n’roll parce que, de mon point de vue, ces mots suscitent une réflexion. Je sens que le rock’n’roll n’est plus pertinent aujourd’hui, dans la mesure où les musiques de l’heure sont le hip-hop et le R & B. Et donc, je trouvais ça drôle de faire référence comme ça au rock’n’roll, et d’une certaine manière à l’époque où le rock était tellement important, et tout ce qu’il représenta­it alors. Ces questions me trottaient dans la tête en enregistra­nt l’album, car elles rejoignent un peu le thème: dans l’incertitud­e, faire avec ce que la vie nous donne. Foncer malgré tout. Parce que c’est beaucoup ça, l’esprit du rock’n’roll, non?»

THE WEATHER STATION Au Divan Orange, ce mercredi à 21h30

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OUTSIDE MUSIC Depuis dix ans, Tamara Lindeman a écrit et enregistré quatre albums entre deux tournages.

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