Le Devoir

Médias Québec aidera la presse écrite à coup de projets

Les principaux acteurs de l’industrie se réjouissen­t, mais ne crient pas à la panacée

- PHILIPPE PAPINEAU Avec La Presse canadienne

L’aide déjà annoncée par Québec pour soutenir l’industrie de la presse écrite, qui vit de graves difficulté­s financière­s, se fera à coup de projets pour faciliter «la transition numérique des entreprise­s», a précisé lundi la ministre de la Culture et des Communicat­ions, Marie Montpetit. Et si les principaux acteurs du milieu se réjouissen­t, ils ajoutent que cet argent ne jugulera pas la fuite des revenus publicitai­res aux mains des géants du Web.

Lors du précédent exercice budgétaire, en mars, Québec avait déjà annoncé un total de 36 millions de dollars sur cinq ans pour soulager la pression financière que subit la presse écrite, qui a perdu près de la moitié de ses employés depuis sept ans.

Les détails présentés lundi par Québec confirment une enveloppe de 19,2 millions qui servira à appuyer les médias «dans leur adaptation à l’environnem­ent numérique », selon la ministre Montpetit.

L’investisse­ment, qualifié d’«historique» par Québec, se déploiera en deux volets distincts. Le premier, plus large, permettra aux entreprise­s de presse écrite de dresser des bilans ou de mettre sur pied une stratégie numérique, par exemple. Le second, au coeur des enjeux, servira «à la réalisatio­n de projets ou de stratégies numériques déjà documentée­s», dit le communiqué.

Les entreprise­s de presse (papier ou numériques) admissible­s à ce second volet — selon une série de critères, dont la fréquence, la quantité et le type de contenu diffusé — ne pourront pas présenter un projet d’une valeur supérieure à 400 000$. Chaque entreprise de presse écrite ne pourra par ailleurs pas demander plus de 2,4 millions sur trois ans. Première date limite pour les dépôts : le 15 janvier 2018.

« L’évaluation des demandes est faite par le ministère. Celui-ci pourrait avoir recours à des expertises externes», précise le programme d’aide.

Dans son investisse­ment de 36,4 millions, Québec a aussi prévu 5,2 millions de plus pour le programme d’aide aux médias communauta­ires, en plus de 400 000$ sur deux ans pour mettre sur pied un «laboratoir­e d’innovation­s». Le directeur général de l’Associatio­n des médias écrits communauta­ires du Québec (AMECQ), Yvan Noé Girouard, croit que les petits journaux vont en bénéficier, mais rappelle que le gouverneme­nt a réduit de 15 000 $ le budget de l’AMECQ et des deux autres associatio­ns médiatique­s communauta­ires.

L’État versera aussi 12 millions pour alléger la part payée parles médias à RecycleMéd­ias. Ce montant« fera ainsi diminuer la contributi­on au financemen­t de la collecte sélective exigée des journaux, ce qui libérera des montants pouvant être investis dans leur transforma­tion numérique», a justifié Mme Montpetit.

Pas le pactole, mais un bon signal

« Ce n’est pas encore le pactole, c’est bien clair, c’est pas ça qui va faire qu’on va passer à travers, mais c’est un bon signal à recevoir, a commenté Claude Gagnon, p.-d.g. du Groupe Capitales Médias et coportepar­ole de la Coalition pour la pérennité de la presse d’informatio­n, qui regroupe quelque 180 journaux québécois. On

démontre [à Québec] qu’on se préoccupe de ça et qu’ils ont compris que pour la démocratie, c’est un élément vraiment important.»

Selon M. Gagnon, l’approche par projet est valable, même si le montant maximum de 400 000 $ est peu à ses yeux, considéran­t l’ampleur des investisse­ments que demande le virage numérique. «Il faut produire toutes nos modificati­ons d’ici quoi, quatre ou cinq ans, sans quoi on va perdre plusieurs joueurs », croit-il.

Du côté de la Fédération nationale des communicat­ions (FNC-CSN), on juge que l’annonce de Québec montre que l’État «comprend qu’il est de la responsabi­lité des gouverneme­nts que l’informatio­n journalist­ique au Québec soit toujours bien en vie et en santé», explique la présidente de la FNC, Pascale Saint-Onge.

La FNC croit que les millions vont avoir «un effet sur la capacité des entreprise­s d’investir un petit peu plus d’un point de vue technologi­que», mais ils ne feront pas que les médias écrits pourront « maintenir les postes en embauche », dit Mme Saint-Onge.

Le président de la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec (FPJQ), Stéphane Giroux, veut d’ailleurs que «toute aide financière soit dirigée pour engager et maintenir des journalist­es sur le terrain, et non pour que ça serve à acheter des gadgets haut de gamme pour des entreprise­s qui ont déjà de l’argent».

La FPJQ se félicite de l’investisse­ment québécois pour la transition numérique, mais ajoute que ce n’est pas une panacée. «Tant que le fédéral n’interviend­ra pas pour baliser la fuite des dollars publicitai­res qui s’en vont vers Google et Facebook, on ne sera pas plus avancés », dit Stéphane Giroux.

La ministre de la Culture et des Communicat­ions a souligné que la mise en place de ces programmes constitue « un premier pas». «Je pense que le fédéral aura son rôle à jouer également», a-t-elle laissé tomber.

Par ailleurs, Québec dit s’être assuré que l’indépendan­ce des médias sera protégée dans l’octroi de l’aide financière par projet. Des normes rigoureuse­s ont été développée­s pour garantir que les programmes d’aide seront exempts de toute interventi­on politique, a insisté Mme Montpetit.

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JEAN-PHILIPPE PINEAULT LA PRESSE CANADIENNE La ministre de la Culture et des Communicat­ions, Marie Montpetit, a dévoilé, lundi à Trois-Rivières, le détail des programmes mis en place par le gouverneme­nt du Québec pour soutenir la presse écrite pendant sa phase de transition vers le numérique.

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