Le Devoir

L’ex-président Saleh est tué par ses anciens alliés houthis

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Sanaa — L’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh a été tué lundi par des rebelles houthis, quelques jours après la rupture de l’alliance entre les deux camps, à l’origine d’affronteme­nts meurtriers dans la capitale Sanaa.

La mort de l’ex-dirigeant, 75 ans, dont 33 au pouvoir, pourrait constituer un tournant dans le conflit qui ensanglant­e le Yémen, sans pour autant améliorer le sort des civils.

Au centre de la «pire crise humanitair­e au monde» selon l’ONU, cette guerre avive les tensions autour de la rivalité entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite, accusé par Riyad de soutenir militairem­ent les Houthis, ce que Téhéran réfute.

«Le ministère de l’Intérieur [contrôlé par les Houthis] annonce la fin de la milice de la trahison et la mort de son chef [Ali Abdallah Saleh] et d’un certain nombre de ses éléments criminels», a affirmé la télévision des Houthis, AlMassirah, en citant un communiqué.

Lundi, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, à la tête du gouverneme­nt reconnu par la communauté internatio­nale, a annoncé une opération pour reprendre la capitale Sanaa et appelé les Yéménites à «ouvrir une nouvelle page » de l’histoire du pays.

«Joignons nos efforts pour en finir avec ces bandes criminelle­s et entamer la constructi­on d’un nouveau Yémen fédéral où régneront la justice, la dignité, […] la stabilité et le développem­ent», a-t-il lancé dans un discours télévisé prononcé depuis Riyad, où il vit en exil.

«L’échec du complot»

Une vidéo remise lundi à un journalist­e de l’AFP par les Houthis montrait le cadavre de ce qui semble être l’ancien président Saleh, évincé du pouvoir en 2012 dans le sillage du Printemps arabe.

Ce décès a ensuite été confirmé par une dirigeante de son parti, le Congrès populaire général (CPG). Selon elle, l’ancien président et d’autres hauts responsabl­es du CPG ont été la cible de tirs nourris de Houthis alors qu’ils quittaient Sanaa vers des zones tenues par des forces pro-Saleh.

Une source militaire a précisé à l’AFP, sous couvert de l’anonymat, qu’un convoi de quatre véhicules avait été bloqué à environ 40km au sud de la capitale. Selon elle, Saleh a été tué par balle avec deux hauts dirigeants du CPG.

Dans un discours retransmis sur Al-Massira, le chef rebelle Abdelmalek Al-Houthi, 38 ans, s’est félicité en soirée de « l’échec du complot», sans mentionner le sort de l’ex-président Saleh. Il faisait référence à la violente rupture d’alliance, la semaine dernière, entre M. Saleh et les rebelles houthis, issus de la minorité zaïdite, une branche du chiisme.

Cette alliance avait été scellée il y a trois ans et, depuis, les deux camps contrôlaie­nt conjointem­ent la capitale au détriment du gouverneme­nt de Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié dans le sud du Yémen.

Les affronteme­nts entre alliés, qui ont éclaté mercredi, ont fait au moins 100 morts et blessés, selon des sources de sécurité et hospitaliè­res.

Après ce revirement d’alliance, Ali Abdallah Saleh avait tendu la main samedi à l’Arabie saoudite, qui intervient militairem­ent au Yémen en soutien du gouverneme­nt Hadi, en échange de la levée du blocus que Riyad impose au Yémen. Les Houthis avaient dénoncé une «grande trahison».

Opération « Sanaa l’Arabe »

Lundi, le président Hadi a «donné pour ordre à son vice-président Ali Mohsen al-Ahmar, qui se trouve à Marib [100km de Sanaa], d’activer la marche […] vers la capitale», selon un membre de son entourage. Baptisée «Sanaa l’Arabe», l’opération consistera­it, selon cette source, à prendre la capitale en tenailles. D’après des sources militaires loyalistes à Marib, sept bataillons ont reçu l’ordre de marcher sur Sanaa.

Pour tenter d’affaiblir les rebelles, le gouverneme­nt yéménite a également annoncé sa volonté d’offrir une amnistie à tous ceux qui cesseraien­t de collaborer avec eux, une main tendue aux pro-Saleh. M. Hadi « proposera prochainem­ent une amnistie générale à tous ceux qui ont collaboré avec les Houthis et ont décidé de se rétracter», a affirmé le premier ministre Ahmed ben Dagher à Aden, la grande ville du sud.

Mais à Sanaa, les Houthis donnaient l’impression lundi de prendre le dessus sur les forces de M. Saleh, selon des journalist­es sur place.

La guerre au Yémen a fait plus de 8750 morts depuis mars 2015.

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Ali Abdallah Saleh

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