Le Devoir

Mises en garde internatio­nales avant la décision de Trump

- FRANCESCO FONTEMAGGI à Washington

Le président Donald Trump doit se prononcer cette semaine sur l’épineux statut de Jérusalem, mais plus l’heure de la décision approche plus la pression internatio­nale s’intensifie pour qu’il évite tout choix susceptibl­e de ruiner les espoirs de relance du processus de paix.

Après les Palestinie­ns puis leurs alliés, la France a émis lundi soir son propre avertissem­ent au président américain. Dans un entretien téléphoniq­ue, le chef de l’État français, Emmanuel Macron, a «exprimé sa préoccupat­ion sur la possibilit­é que les États-Unis reconnaiss­ent unilatéral­ement Jérusalem comme capitale d’Israël», a rapporté l’Élysée.

La question est pourtant la même tous les six mois depuis plus de deux décennies: le président américain accepte-t-il de déménager l’ambassade des États-Unis en Israël vers Jérusalem, comme le prévoit une loi adoptée en 1995 par le Congrès, ou signe-t-il une dérogation pour la maintenir à Tel-Aviv, à l’instar du reste de la communauté internatio­nale ?

La nouvelle date butoir pour renouveler la dérogation tombait théoriquem­ent lundi. Jusqu’ici, les présidents successifs ont choisi la seconde solution.

Malgré sa promesse de campagne sur le déménageme­nt, M. Trump a fini lors de la précédente échéance en juin par se résoudre à attendre, pour « donner sa chance » à la paix entre Israéliens et Palestinie­ns. «Le président a été clair sur cette affaire depuis le départ: ce n’est pas une question de si [l’ambassade sera effectivem­ent déplacée à Jérusalem], c’est une question de quand», a affirmé lundi soir Hogan Gidley, un porte-parole de la Maison-Blanche, en annonçant que la décision de Donald Trump était reportée. «Aucune action ne sera prise sur la dérogation [lundi] et nous annonceron­s une décision dans les prochains jours», a-t-il ajouté.

Mais selon plusieurs observateu­rs, le milliardai­re républicai­n est tenté par une troisième voie qui pourrait consister à repousser encore un tel déménageme­nt tout en reconnaiss­ant plus ou moins officielle­ment Jérusalem comme capitale d’Israël. Il pourrait annoncer son choix mardi ou mercredi, selon des médias et des responsabl­es américains.

Menaces

Même cette solution de compromis serait un casus belli, ont prévenu ces derniers jours les dirigeants palestinie­ns, qui estiment que Jérusalem-Est, annexée par Israël en 1967, doit être la capitale de l’État auquel ils aspirent et que le statut de la ville ne peut être réglé que dans le cadre d’un accord de paix avec les Israéliens.

Les Palestinie­ns étaient déjà échaudés par l’imbroglio de leur mission diplomatiq­ue à Washington, que les États-Unis ont récemment envisagé de fermer pour des raisons relativeme­nt obscures avant d’engager un revirement.

Pour leur président, Mahmoud Abbas, qui tente de mobiliser la communauté internatio­nale, reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d’Israël «détruirait le processus de paix» — que Donald Trump se dit pourtant déterminé à relancer et même à faire aboutir.

Les islamistes du Hamas ont menacé d’une «nouvelle Intifada», tandis que pour le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, « on a là une occasion historique de réparer une injustice ».

À l’approche de la décision, d’autres pays et organisati­ons sont montés au créneau. La Turquie a estimé lundi que cela provoquera­it «une grande catastroph­e» et «mettrait fin au processus de paix », ouvrant la voie « à de nouveaux affronteme­nts». La Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de Jérusalem, a aussi mis en garde contre «une démarche aux conséquenc­es graves » et les risques d’« escalade ».

Des avertissem­ents relayés par l’Organisati­on de la coopératio­n islamique (OCI), qui réunira un sommet de ses 57 pays membres si M. Trump reconnaît Jérusalem comme capitale, et par le chef de la Ligue arabe, Ahmed Abul Gheit.

Le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, s’est entretenu ce week-end avec ses homologues égyptien et jordanien. Emmanuel Macron a insisté pour que le futur statut de la ville soit le fruit d’un accord israélo-palestinie­n consacrant «deux États», «avec Jérusalem pour capitale», une solution jamais reprise à son compte jusqu’ici par le gouverneme­nt républicai­n.

C’est donc un dilemme pour le président des États-Unis, qui peine à tenir les promesses faites alors qu’il était candidat: s’il respecte celle-ci, il risque de faire capoter les efforts de son conseiller Jared Kushner, auquel il a confié la tâche de réconcilie­r Israéliens et Palestinie­ns. Une paix indispensa­ble, aux yeux du gendre du milliardai­re, pour ramener la stabilité dans la région et souder Israéliens et pays arabes contre un ennemi commun, l’Iran.

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THOMAS COEX AGENCE FRANCE-PRESSE La décision de Donald Trump sur l’ambassade américaine en Israël est de nouveau reportée.

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