Responsabilité patrimoniale
Radio-Canada s’apprête à larguer son patrimoine pour être plus allège dans son fonctionnement. Les raisons évoquées sont faciles à comprendre quand on reste sur le terrain de la logistique. Mais du point de vue symbolique, le geste est grave puisqu’il s’agit de se départir de son fonds, pour ne pas dire de son âme. Cette situation ressemble à bien des égards à une vente précipitée où l’on doit vider en toute urgence des espaces qui seront bientôt désuets ou voués à d’autres fonctions.
Comment Radio-Canada n’a-t-elle pas vu venir la «tempête» et planifié en conséquence cet élagage qui semble aujourd’hui se faire dans la hâte ? La muséologie comme l’archivistique sont des sciences de gestion du patrimoine qui sont enseignées dans toutes les universités québécoises (ou presque) et comptent conséquemment des professionnels de 2e cycle (maîtrise) qui savent faire face à ce genre de situations d’urgence. Au lieu de procéder à la va-comme-je-tepousse en faisant un appel public à qui mieux mieux et à qui voudra bien accueillir ces collections demain orphelines, il aurait été plus conséquent de planifier ce vidage en présentant divers scénarios avec des ententes préliminaires à la clé.
Tout ceci a l’apparence d’un cafouillage administratif de première où l’on présume que des organismes à but non lucratif ou des musées vont se porter volontaires pour acquérir et prendre sous leurs ailes (déjà fragiles) un bien culturel d’une immense valeur et qui risque demain de se retrouver éparpillé, ici et là, sur la planète Musée. Il est regrettable que nous en soyons là à quelque deux ans (2020) de l’intégration d’un nouvel édifice (réduction de 40% du volume). Ça ressemble à de l’improvisation, et pour une grande institution comme Radio-Canada, c’est tout simplement inacceptable. Il en va de la responsabilité patrimoniale de Radio-Canada de veiller à la bonne garde de son patrimoine, d’autant plus qu’elle en a les moyens. Philippe Dubé, professeur de muséologie à la retraite, Université Laval