Martin Prud’homme
Un an pour remettre le SPVM sur la bonne voie
Nouvellement nommé à la tête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Martin Prud’homme a lui-même constaté la culture malsaine qui règne depuis des décennies au sein du service. Si son prédécesseur suspendu Philippe Pichet se donnait 10 ans pour changer les valeurs de l’organisation, M. Prud’homme s’engage à les briser en un an.
«Pour moi, la culture, c’est cette année [qu’il faut y mettre fin]. C’est en 2018 qu’il faut que ça change», affirme le directeur intérimaire.
Le chef «temporaire» accordait mercredi ses premières entrevues. Il a été placé à la tête du plus important corps de police municipale de la province, le 7 décembre dernier.
Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, venait alors de relever de ses fonctions — avec salaire — le chef Philippe Pichet. Celui-ci a été jugé incapable de redresser la situation au sein du SPVM à la suite de la publication du rapport de Michel Bouchard.
M. Bouchard avait été mandaté en mars pour mener une enquête administrative sur les enquêtes internes du SPVM. Climat malsain, enquêtes internes bâclées, procédures administratives bafouées et guerres de clans: le rapport Bouchard a noté de graves lacunes au sein de la police montréalaise.
«Ce que le rapport Bouchard vient dire, je l’ai vu également. Il y a une problématique au niveau de la confiance du bureau des affaires internes, à un tel point que la population et les médias ont manqué de confiance, et là, c’est rendu que même les membres du service n’ont plus confiance en leur propre service», souligne M. Prud’homme, qui reprendra son siège à la tête de la Sûreté du Québec (SQ) en 2019.
Plan de redressement
M. Prud’homme, qui a déjà été sous-ministre à la Sécurité publique, entend déposer un plan de redressement « préliminaire» au ministère et à la Ville de Montréal, dès le retour du congé des Fêtes.
« Je n’ai pas de temps à perdre […] Ce n’est pas quelque chose qui va tarder. Ca prend un plan rapidement. La ville l’a demandé et je vais tout faire pour leur présenter les orientations les plus importantes», soutient-il.
Il compte s’attaquer en priorité à la division des Affaires internes et au système de promotion des employés.
«Il y aura beaucoup d’autres choses à regarder dans l’organisation, mais je veux d’abord m’attarder aux principaux problèmes», dit-il.
Vêtu de l’uniforme du SPVM, ce «vert» qui a fait carrière au sein de la SQ assure avoir été bien accueilli par les «bleus».
«La compétition entre les couleurs d’uniformes existera toujours, mais elle n’est plus malsaine», assure celui qui confie avoir sondé ses nouvelles troupes avant d’enfiler l’uniforme.
M. Prud’homme est toutefois conscient qu’en brisant un moule établi il y a des décennies, le SPVM risque de perdre certains policiers.
«C’est possible qu’il y ait des départs. Je l’ai dit, je veux amener une façon de faire et je veux que les gens soient capables de travailler dans ma façon de faire. S’il y a des gens qui ne se reconnaissent pas là-dedans, ça se peut qu’ils partent», admet-il.
M. Prud’homme se dit conscient des préoccupations et des questions soulevées par sa venue dans la métropole.
Certains ont soulevé le fait que c’était lui qui dirigeait les enquêteurs lors de la perquisition menée au quartier général du SPVM en octobre dernier. L’opération avait conduit à la suspension de Imad Sawaya, le directeur de cabinet de Philippe Pichet.
M. Prud’homme ne ressent toutefois pas de malaise à l’idée que ses anciens collègues enquêtent sur les policiers qu’il dirige.
« Comme directeur de la SQ, oui, j’étais informé des grandes lignes, mais j’avais beaucoup d’autres dossiers, donc je n’étais pas dans le pointu», assure-t-il.
Quant aux liens familiaux — sa conjointe, une policière de la SQ, est la fille de Robert Lafrenière, le patron de l’Unité permanente anticorruption —, il tente de ne pas sourire lorsqu’on les évoque.
«J’ai grandi dans une famille de policiers: mon père, mon oncle... Je suis noyé dans la police. C’est sûr qu’on parle police en général, mais commencer à parler autour d’une table des dossiers opérationnels, c’est farfelu de dire ça. D’abord, ça n’intéresse pas la famille, et ensuite, on ne veut pas faire ça, voyons donc. Ça fait 29 ans que je suis dans le domaine. Je ne commencerais pas à perdre mon nom à vouloir savoir des informations», soutient-il.
«Là, c’est rendu que même les membres du service n’ont plus confiance en leur propre service» Martin Prud’homme