Le Devoir

Le ROC reste sourd aux appels de Couillard

La politique d’affirmatio­n du Québec suscite peu d’intérêt

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

La Politique d’affirmatio­n du Québec et de relations canadienne­s du gouverneme­nt Couillard n’a pas permis de reprendre le « dialogue about us »: elle a dû se contenter d’une couverture médiatique marginale dans le reste du Canada, révèlent des documents du ministère du Conseil exécutif (MCE).

L’offensive constituti­onnelle tranquille, lancée en grande pompe il y a sept mois, est «au coeur des activités» du Secrétaria­t du Québec aux relations canadienne­s, atteste le MCE dans des documents dévoilés en vertu de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics. Elle touche «l’ensemble» des employés de ce ministère et «sa mise en oeuvre occupe de façon plus particuliè­re environ sept personnes».

Mais elle n’a toujours pas trouvé le moyen de faire les manchettes dans le Rest of Canada.

Dans la semaine où elle a été lancée, la poli-

tique d’affirmatio­n nationale a connu un impact médiatique «beaucoup plus grand au Québec qu’ailleurs au Canada», reconnaît le MCE, qui a ef fectué une vaste veille médiatique.

Du 1er au 7 juin, 264 interventi­ons médiatique­s distinctes ont porté sur cette politique. Du nombre, «60% […] ont été publiées dans les médias basés au Québec», a remarqué le MCE. Cela est «largement supérieur à la couverture médiatique de l’événement ailleurs au Canada lorsqu’on tient compte du poids démographi­que du Québec au sein de la fédération», a souligné le ministère.

Dans la semaine du 29 mai au 4 juin 2017, la «relance du débat constituti­onnel» par Québec s’est classée au cinquième rang du palmarès de l’actualité québécois dressé par Influence Communicat­ion. Elle est demeurée absente du top 5 canadien.

Cette quasi-indifféren­ce canadienne n’entame cependant pas la confiance du ministre responsabl­e des Relations canadienne­s, Jean-Marc Fournier. «La Politique d’affirmatio­n du Québec est une démarche de longue haleine», a-t-on fait valoir, mercredi, à son cabinet. «La couverture médiatique est un indicateur de pénétratio­n du message, mais il est loin d’être le seul», y a-t-on dit, soulignant notamment l’accueil « très positif » que le milieu universita­ire a réservé au projet.

Une politique de rapprochem­ent?

Deux mois avant de lancer la Politique d’affirmatio­n du Québec, devant le tollé suscité par la série télévisée Canada: The Story of Us, JeanMarc Fournier disait espérer «repren[dre] un dialogue about us » d’un bout à l’autre du pays.

La CBC, qui avait produit l’émission dans le cadre du 150e du Canada, était alors sous le feu des critiques pour sa représenta­tion circonscri­te de l’histoire autochtone, son passage sous silence de la déportatio­n des Acadiens et son portrait réducteur des figures historique­s françaises, notamment. « Let’s talk about us ! Essayons encore de reprendre un dialogue pour qu’il y ait de la place pour chacun», avait alors suggéré le ministre.

Le jour de la fête du Canada, il publiait une lettre ouverte dans laquelle il qualifiait sa politique d’affirmatio­n nationalis­te de «propositio­n de rapprochem­ent». «L’objectif de ce nouveau dialogue est d’établir de plus nombreuses solidarité­s économique­s, sociales et culturelle­s entre les citoyens du Québec et ceux de partout ailleurs au Canada et de mieux se connaître pour mieux se reconnaîtr­e », écrivait-il.

Sauf que ce rapprochem­ent ne s’est pas reflété dans les médias. D’ailleurs, ceux-ci ont surtout été informés en français de la nouvelle approche constituti­onnelle du Québec. Le MCE a ainsi acheminé 150 copies francophon­es de sa politique — qui tient sur 194 pages — aux journalist­es. Seuls dix documents rédigés en anglais ont été transmis à des représenta­nts des médias.

Haussement d’épaules au Canada

Sur la scène politique hors Québec, l’accueil a été glacial. En date du 27 novembre 2017, les dirigeants de sept des treize provinces et territoire­s du pays n’avaient pas réagi à l’initiative québécoise, selon le MCE. Le ministère a ainsi attribué la mention «aucune réaction» à la Colombie-Britanniqu­e, l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, le Nunavut, les Territoire­s du Nord-Ouest et le Yukon.

Deux mois plus tôt, le 27 septembre, le gouverneme­nt achevait le lancement d’«unités de relations canadienne­s» au sein de chacun des ministères québécois, afin que ceux-ci puissent consolider les relations avec le reste du Canada dans leurs secteurs.

Le MCE n’a par ailleurs envoyé que trois copies de sa politique d’affirmatio­n aux leaders des Premières Nations et Inuits du Canada, et ce, en dépit de l’espace accordé aux autochtone­s dans le document. Le MCE n’a pas recensé les réactions des divers leaders autochtone­s du pays. Il a néanmoins listé un article du Réseau de télévision des peuples autochtone­s dans sa revue de presse.

Accueil favorable chez les universita­ires

Là où la Politique d’affirmatio­n du Québec et de relations canadienne­s a reçu un accueil favorable, c’est au sein des milieux universita­ires, a constaté le MCE, qui se félicite de la «volonté évidente» des universita­ires d’échanger sur le sujet.

« Somme toute, les universita­ires démontrent une réelle volonté de dialogue et s’approprien­t le contenu de la Politique. Cependant, leur appui demeure connu uniquement dans le milieu universita­ire, à quelques exceptions près», a remarqué le ministère.

Dans une sortie médiatique qu’il avait organisée le 5 octobre, Jean-Marc Fournier s’était réjoui de constater que, « chez les penseurs, il y a un intérêt pour reprendre la réflexion sur le sujet». «On a beaucoup d’invitation­s dans le monde universita­ire, l’accueil est très bon», avait-il attesté, énumérant les université­s canadienne­s qu’il avait visitées.

«Pensez-vous que votre démarche manque d’attention médiatique?» lui avaient demandé les journalist­es convoqués sur place. «Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait beaucoup d’attention médiatique. Je ne sollicite pas beaucoup d’attention médiatique », avait répondu le ministre.

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