La hausse du salaire minimum a des effets fâcheux sur l’emploi, selon une étude de la Banque du Canada.
La hausse du salaire minimum au Canada se traduira à court terme par la perte de 60 000 emplois et une croissance économique légèrement moins forte, estime une analyse de la Banque du Canada, mais aussi par une augmentation du revenu des travailleurs au bas de l’échelle.
L’augmentation marquée du salaire minimum en Ontario et en Alberta ainsi que sa hausse plus modeste au Québec et en Colombie-Britannique auront, comme on pouvait l’espérer, un impact positif sur le revenu des travailleurs, ont conclu des économistes de la banque centrale canadienne dans une note analytique la semaine dernière. Le salaire réel moyen au Canada devrait ainsi augmenter d’environ 0,7% d’ici 2019, avec, bien sûr, pour principaux bénéficiaires les quelque 8% de travailleurs canadiens au salaire minimum, mais aussi, dans une moindre mesure, les salariés gagnant à peine plus et appartenant au groupe des 15 % de travailleurs les moins bien payés.
La hausse de ces salaires n’aura toutefois pas que des effets positifs, préviennent les auteurs de la note. Elle augmentera les coûts de fonctionnement des entreprises, qui n’auront d’autre choix que de refiler au moins une partie de la facture aux consommateurs, augmentant d’environ 0,1 point de pourcentage l’inflation et réduisant la croissance économique de 0,1% d’ici 2019. L’augmentation du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes profitera très certainement à l’économie, précise-t-on, mais comme ils ne comptent que pour environ 4 % de tous les consommateurs, l’augmentation générale du coût de la vie et son influence à la hausse sur les taux d’intérêt «contrebalanceraient amplement» cet effet bénéfique.
Le léger ralentissement économique attendu suffira à faire baisser le nombre total d’heures travaillées au Canada de 0,3%, soit l’équivalent de 60 000 emplois, si l’on se fie aux moyennes actuelles. Cette estimation des pertes d’emplois est plutôt prudente, suggèrent les experts de la banque, qui soulignent qu’une simple approche comptable les fixerait plutôt à l’intérieur d’une fourchette allant de 30 000 à 140 000 emplois perdus.
Les hausses promises
L’augmentation du salaire minimum s’est récemment imposée comme l’un des principaux chevaux de bataille des syndicats et du mouvement de lutte contre la pauvreté au Canada. S’inspirant de campagnes similaires aux ÉtatsUnis, ils ont fait du seuil de 15 $ l’heure un minimum absolu à atteindre au plus vite.
Cet appel a été entendu en Ontario, où le salaire minimum est passé de 11,40$ l’heure cet automne à 14$ cette semaine, et doit encore augmenter à 15$ en janvier prochain. Il a aussi été entendu en Alberta, où le salaire minimum a augmenté de 12,20$ l’heure à 13,60$ cet automne, et doit sauter à 15 $ l’automne prochain.
La hausse sera nettement moins marquée au Québec, à raison de petits sauts chaque année qui ont porté le salaire minimum de 10,55$ l’heure en 2016 à 11,25 $ actuellement et le porteront à 12,10$ en mai 2019. Plus modeste aussi, la Colombie-Britannique a fait passer son propre seuil de 10,85$ à 11,35$ en septembre. Les économistes de la Banque du Canada estiment l’ampleur des changements ou leur impact sur l’économie canadienne plus négligeable dans les autres provinces, comme la Saskatchewan (10,96 $), le Manitoba (11,15 $) et le Nouveau-Brunswick (11 $).
Des impacts plus importants à long terme?
Des experts préviennent les gouvernements qu’une hausse trop marquée et trop rapide du salaire minimum pourrait se révéler contre-productive en minant la compétitivité des entreprises, en détruisant des petits emplois ou en encourageant le décrochage scolaire. Certains font aussi valoir que ce salaire minimum doit tenir compte du coût de la vie, par exemple, plus bas au Québec qu’en Ontario ou en Alberta.
En fait, «l’impact à long terme [des hausses annoncées du salaire minimum] pourrait être substantiellement plus grand que leurs effets à court terme», notent les économistes de la Banque du Canada. Les salaires plus élevés risquent d’encourager les jeunes à quitter plus tôt l’école pour le marché du travail, mais aussi d’inciter les entreprises à remplacer les travailleurs par des machines. Ils pourraient nuire également au développement de certains secteurs, notamment celui du commerce de détail où se retrouvent plusieurs des travailleurs que l’on cherche justement à aider. «Les hausses du salaire minimum pourraient avoir des effets à long terme du fait de l’automatisation, des gains de productivité ou de l’évolution du taux d’activité, mais ces effets peuvent être aussi bien positifs que négatifs » pour l’économie comme pour les travailleurs, concluent-ils. Tout cela est bien « ambigu ».