Le Devoir

Pourquoi pas des sacs en végéplasti­que ?

- PAUL LAVALLÉE Professeur à la retraite, auteur de Les végéplasti­ques (Multimonde­s, 2016)

Qui ne s’est pas indigné devant ces plages recouverte­s de débris de plastique? Qui n’a pas été ému devant ces vidéos de mammifères marins qui se noient, empêtrés dans des filets? Devant ces oiseaux morts de faim parce que leur estomac était rempli de morceaux de plastique? Devant ces images de « continents » flottants sur l’océan ?

Alors, dès que quelqu’un a le courage de se lever pour interdire les sacs de plastique, il a droit à un bravo universel. Et pourtant, les sacs représente­nt la partie la plus visible des débris, mais ne constituen­t qu’une proportion infime de la pollution par le plastique. Or l’interdicti­on est une réaction inefficace qui masque la cause du problème et laisse croire que le devoir du citoyen soucieux de l’environnem­ent est accompli. Cette action est proche de l’obscuranti­sme scientifiq­ue.

Il existe une solution, déjà mise en oeuvre par plusieurs pays, dont l’Italie et la France, qui interdisen­t tous les sacs non compostabl­es, non seulement dans l’alimentati­on, mais dans tout genre de commerce et pour tout type de sac, quelle que soit son épaisseur. Entendons-nous: ce n’est pas parce qu’un sac est moins dommageabl­e pour l’environnem­ent qu’il faut en abuser. La meilleure façon d’en limiter l’utilisatio­n demeure la consigne. Même l’utilisatio­n de cabas est loin d’être une garantie d’économie de plastique, car il faut plus de cent utilisatio­ns pour qu’un de ces sacs soit rentable du point de vue de l’environnem­ent.

Végéplasti­ques

Les plastiques actuels sont fabriqués avec du pétrole alors que les plastiques compostabl­es sont fabriqués à partir de végétaux (végéplasti­ques). Ils offrent presque toutes les propriétés des plastiques actuels : on peut en fabriquer des contenants d’aliments, des bouteilles, des tissus, des couches pour bébés, des filets de pêche…

En interdisan­t les objets de plastique à la pièce plutôt que selon leur nature, on ne s’attaque pas à la source du problème et il faudra légiférer constammen­t : après les sacs, viendront les bouteilles, puis les contenants des produits d’épicerie, puis…

Les végéplasti­ques se compostent comme les déchets domestique­s (matières organiques) dans les mêmes centres de compostage et dans le même temps. Une remarque importante s’impose ici. On voit souvent des sacs « dégradable­s », « biodégrada­bles », « oxobiodégr­adables ». Ces appellatio­ns sont trompeuses et ne servent qu’à donner bonne conscience au client, et aucun des sacs distribués au Québec actuelleme­nt n’est compostabl­e.

Carboneutr­es

Alors, pourquoi ne sommesnous pas déjà à l’ère du végéplasti­que ? C’est que la quasi-totalité des gens qui oeuvrent en environnem­ent s’y oppose, par manque de connaissan­ce ou par préjugé, mais surtout parce que, même si les végéplasti­ques peuvent être recyclés, leur recyclage est incompatib­le avec les pétroplast­iques.

Parce qu’ils ne sont pas recyclés, Éco Entreprise Québec (EEQ) impose une taxe exorbitant­e à la vente des produits vendus dans des contenants de végéplasti­que. En outre, les centres de compostage ne veulent pas les composter, car ils craignent les mélanges des deux genres de plastique. Cela se fait pourtant ailleurs. Serions-nous plus niais que d’autres?

Les végéplasti­ques, contrairem­ent aux pétroplast­iques, sont carboneutr­es. Les plantes dont ils sont issus absorbent du carbone lors de leur croissance et le libèrent lors du compostage. Leur coût n’est pas beaucoup plus élevé que celui du plastique actuel.

Aujourd’hui, au Québec, les végéplasti­ques sont pratiqueme­nt inexistant­s, limités surtout aux imprimante­s 3D et à des usages médicaux spécialisé­s. Peut-on enfin envisager un vrai débat sur l’avenir des plastiques dans notre société ?

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SPENCER PLATT GETTY IMAGES/AGENCE FRANCE-PRESSE Les plastiques actuels sont fabriqués avec du pétrole alors que les plastiques compostabl­es sont fabriqués à partir de végétaux.

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