Le Devoir

Trump se lâche contre son ex-conseiller Bannon

- JÉRÔME CARTILLIER à Washington

La charge est d’une violence inouïe: Donald Trump a accusé mercredi son ancien conseiller Steve Bannon d’avoir «perdu la raison», marquant la rupture avec celui qui fut l’un des stratèges de sa victoire inattendue de 2016.

Cette attaque à la tonalité peu commune de la part d’un président américain fait suite à la diffusion d’extraits explosifs d’un livre dans lequel l’exconseill­er affirme que le fils du locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump Jr., a commis une «trahison» en rencontran­t une avocate russe offrant des informatio­ns compromett­antes sur Hillary Clinton.

«Steve Bannon n’a rien à voir avec moi ou ma présidence», a lancé le 45e président des ÉtatsUnis. Le changement de ton est spectacula­ire vis-à-vis de cet homme à la crinière poivre et sel et à la démarche nonchalant­e que Donald Trump qualifiait il y a moins de cinq mois d’«ami», de «quelqu’un de bien» traité très injustemen­t par la presse. «Steve n’a eu qu’un rôle très limité dans notre victoire historique », a-t-il dit mercredi, accusant ce dernier d’avoir passé son temps à la Maison-Blanche «à faire fuiter de fausses informatio­ns pour se rendre plus important qu’il n’était».

Au-delà de la fracture

Au-delà de la nouvelle ligne de fracture qu’elle révèle, cette spectacula­ire prise de bec soulève d’épineuses questions politiques pour Donald Trump à l’approche des primaires républicai­nes en vue des élections de mi-mandat prévues en novembre.

Depuis son départ de la Maison-Blanche l’été dernier, Steve Bannon s’est autodésign­é comme le sauveur du «trumpisme » face à ce qu’il juge être un dévoiement par les républicai­ns du sérail et les «élites» de Washington. C’est au nom de cette ligne qu’il avait défendu le très controvers­é Roy Moore dans l’Alabama.

Après cette rupture, Donald Trump ne risque-t-il pas de se couper de la frange la plus à droite de son électorat ou de devoir avancer à tâtons sur une ligne de crête dans un Parti républicai­n scindé en deux? «La base électorale du président est très solide», a rétorqué sa porte-parole Sarah Sanders.

L’entourage de M. Trump est au centre d’une enquête menée par le procureur spécial Robert Mueller sur une possible collusion avec la Russie en vue d’influencer l’élection de novembre 2016.

Le livre, dont de longs extraits ont été publiés dans le New York Magazine, raconte aussi combien le candidat républicai­n et son équipe rapprochée ont été surpris par la victoire, tant ils étaient convaincus qu’elle était hors de portée.

Le soir du 8 novembre, quand les chiffres commencent à dessiner une surprise possible, Donald Trump Jr. «a dit à un ami que son père […] ressemblai­t à quelqu’un ayant vu un fantôme», écrit Michael Wolff, qui dit s’être entretenu avec M. Trump et des dizaines de ses collaborat­eurs. «Melania [Trump] était en larmes — mais pas de joie », ajoute-t-il.

La porte-parole de la première dame a vigoureuse­ment contesté cette version, assurant que l’ancienne mannequin d’origine slovène avait toujours eu «confiance» dans la victoire et était «très heureuse» lorsque son mari l’a emporté face à Hillary Clinton.

L’ouvrage s’attarde aussi sur le désarroi des jours et des semaines qui suivent la victoire. Il évoque par exemple la volonté initiale de Donald Trump de nommer son jeune gendre, Jared Kushner, au poste extrêmemen­t puissant de secrétaire général de la Maison-Blanche. C’est finalement la très conservatr­ice polémiste Ann Coulter qui osera prendre le président à part pour lui expliquer qu’il ne peut pas embaucher «ses enfants».

Sous la plume de Michael Wolff, les premiers mois au pouvoir de Donald Trump furent marqués d’abord par une forme de «chaos» permanent et la frustratio­n du magnat de l’immobilier. Il décrit un président fréquemmen­t reclus dans sa chambre dès 18h30 avec un cheeseburg­er, les yeux rivés sur ses trois écrans de télévision, multiplian­t les appels à un petit groupe d’amis sur lesquels il déverse «un flot de récriminat­ions», allant de la malhonnête­té des médias au manque de loyauté des membres de son équipe.

Sarah Sanders a dénoncé un livre «truffé d’affirmatio­ns fausses ou trompeuses» de la part d’individus qui n’ont ni accès à la Maison-Blanche ni de véritable influence sur cette dernière.

Elle a par ailleurs assuré que son auteur n’avait, au total, échangé que «5 à 7 minutes» avec le président américain. Le livre Fire and Fury: Inside the Trump White House (Le feu et la colère. Dans la Maison-Blanche de Trump), doit sortir le 9 janvier.

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