Le Devoir

Des dizaines de milliers de migrants menacés d’expulsion

-

Jérusalem — Israël a lancé mercredi un programme destiné à imposer à près de 40 000 migrants africains en situation irrégulièr­e de choisir entre leur expulsion ou leur incarcérat­ion.

Ces migrants ont jusqu’à la fin de mars pour quitter Israël, faute de quoi ils seront emprisonné­s pour une durée indétermin­ée.

« Ce programme sera appliqué à partir d’aujourd’hui [mercredi]», a déclaré le premier ministre, Benjamin Nétanyahou, qui s’est félicité du projet destiné à «faire partir les migrants entrés illégaleme­nt ».

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 38 000 personnes sont concernées, en majorité des Érythréens et des Soudanais. Les migrants qui accepteron­t de partir se verront remettre un billet d’avion et près de 3000 euros.

Dans le cadre de son programme d’expulsion, le gouverneme­nt israélien reconnaît tacitement que les ressortiss­ants de ces deux pays ne peuvent retourner chez eux.

Le régime érythréen a été accusé par l’ONU de crimes contre l’humanité «généralisé­s et systématiq­ues». Quant au Soudan, son président, Omar el-Béchir, fait l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internatio­nale pour crimes de guerre, contre l’humanité et pour génocide.

Accords

Selon des ONG israélienn­es soutenant les migrants, Israël a ainsi signé des accords avec des pays tiers, en l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda, qui doivent accueillir les migrants volontaire­s.

Ces migrants sont pour la plupart entrés illégaleme­nt en Israël par le Sinaï égyptien à compter de 2007. Ce flux a été stoppé avec la fin de la constructi­on par l’État hébreu d’une clôture électroniq­ue le long de la frontière avec l’Égypte.

Israël a ouvert des centres de rétention dans le sud, où près de 1500 migrants sont soumis à un régime de semi-liberté. Ces établissem­ents vont fermer leurs portes et les migrants qui refuseront de partir seront envoyés en prison.

Après la date du 1er mars, il sera encore possible pour ces personnes de quitter volontaire­ment Israël, mais une somme inférieure leur sera remise. Ceux qui refuseront seront emprisonné­s, a prévenu le ministère de l’Intérieur.

Dans un communiqué distinct, le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, chargé de l’applicatio­n du programme, a souligné qu’Israël était «déterminé à renvoyer des dizaines de milliers de migrants entrés illégaleme­nt ».

Tsgahans Goytiom, un Érythréen de 30 ans résidant à Tel-Aviv, a dénoncé ce projet et affirmé que la «situation est très mauvaise et difficile».

Selon des chiffres officiels, 4012 migrants en situation irrégulièr­e ont déjà quitté Israël en 2017, dont 3332 originaire­s de l’Afrique subsaharie­nne.

Benjamin Nétanyahou s’était rendu fin août dernier dans le sud de Tel-Aviv, où résident des milliers de migrants africains, et s’était engagé «à rendre» ce secteur aux «citoyens israéliens».

En novembre, le Haut-commissari­at de l’ONU pour les réfugiés (HCR) avait exprimé son inquiétude devant les mesures du gouverneme­nt israélien, rappelant notamment qu’Israël avait «des obligation­s légales s’agissant de la protection des réfugiés».

Or, depuis que les autorités israélienn­es ont pris en 2009 la responsabi­lité de déterminer qui entre dans cette catégorie, seuls huit Érythréens et deux Soudanais ont obtenu le statut, avait poursuivi le HCR. Deux cents ressortiss­ants soudanais originaire­s du Darfour (ouest) ont, quant à eux, obtenu un «statut humanitair­e en Israël », avait-il précisé.

« Le secret entourant cette politique [migratoire] et le manque de transparen­ce sur sa mise en oeuvre ont rendu très difficiles la surveillan­ce et le suivi régulier de la situation des personnes » déjà renvoyées sur le continent africain, avait ajouté l’ONU.

 ?? MENHAEM KAHANA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 38 000 personnes sont concernées par une expulsion, en majorité des Érythréens et des Soudanais.
MENHAEM KAHANA AGENCE FRANCE-PRESSE Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 38 000 personnes sont concernées par une expulsion, en majorité des Érythréens et des Soudanais.

Newspapers in French

Newspapers from Canada