Droits de la personne: un traitement dénoncé par des ONG, mais lucratif pour des employeurs.
Dénoncé par des gouvernements, des organisations internationales et plusieurs ONG, le recours aux travailleurs nord-coréens est néanmoins prisé par bien des employeurs qui apprécient leur ardeur au travail. «Ils travaillent fort et bien, ne comptent pas les heures et ne se plaignent jamais», résume Gerelee (nom fictif), une entrepreneure dans la trentaine qui a déjà engagé 10 Nord-Coréens pour un projet gouvernemental de construction à Oulan-Bator.
« Les Mongols, eux, se traînent les pieds et arrivent en retard au boulot. Parfois, ils ne se présentent pas parce qu’ils ont trop bu la veille! Les projets finissent toujours en retard. Vous n’avez jamais ces problèmes avec les Nord-Coréens. »
Dans un chantier de construction routière en Malaisie, les ouvriers ne dormaient que trois ou quatre heures par nuit et travaillaient sept jours sur sept, à l’exception des fêtes nationales nord-coréennes, assure Jong-su (nom fictif), un ex-superviseur nord-coréen aujourd’hui réfugié à Séoul.
«Pyongyang avait promis que le projet ne prendrait pas plus de deux ans. C’était conditionnel au renouvellement du contrat. Alors on devait forcer les ouvriers à travailler en heures supplémentaires », explique-t-il.
Pour les entreprises locales, les économies sur les salaires n’ont souvent rien de négligeable. Amarjargal, une ingénieure mongole travaillant pour une compagnie de ciment, montre sur son ordinateur portable un récent rapport financier pour un projet qui comprenait l’embauche de 10 ouvriers nord-coréens.
Leur salaire: 350$ par mois, desquels étaient soustraits 50$ pour les repas. Le logis, dans un dortoir, était fourni. Les Mongols, eux, étaient rémunérés entre 800$ et 1200$ par mois. «Ils faisaient le même travail», précise-t-elle.
Comme tout travailleur nord-coréen, ceux-ci devaient également sacrifier une large part de leurs maigres salaires à leur gouvernement. La rumeur qui circulait sur le chantier faisait état de 70 %, se souvient Amarjargal.
Malgré des revenus faméliques selon les standards étrangers, plusieurs de ces travailleurs parviennent à épargner au fil des ans et retournent au bercail avec un petit pactole en poche.
Fin décembre, le média d’information DailyNK rapportait, en se basant sur des sources en Corée du Nord, que des travailleuses récemment rentrées au pays après un séjour de trois ans en Chine avaient investi leurs deniers dans l’économie de marché, de plus en plus développée.
Par exemple, une ancienne serveuse de restaurant dans la vingtaine qui avait 3000$ en poche à son retour aurait acheté un appartement au coût de 2000$, et investi le reste dans la revente d’équipement industriel.
L’économie de marché
«Ils travaillent fort et bien, ne comptent pas les heures et ne se plaignent jamais»
Le média souligne que le retour de ces travailleurs suscite des réactions variées au sein la population et témoigne d’un changement de mentalité générationnel à l’égard de l’économie de marché.
Alors que les plus jeunes jugent pertinent le fait d’investir ses revenus dans son propre avenir par le truchement du marché, les plus âgés s’attendent à recevoir des présents et à ce que ces travailleurs partagent leur richesse avec leurs proches. Pour eux, leur comportement serait immoral et «teinté par le capitalisme».