Le Devoir

Le meilleur pour nos enfants à l’école

- JOCELYN LAUZON

Ayant des enfants à l’école secondaire, j’ai plusieurs fois demandé aux profs de cégep s’il y avait une différence entre les élèves provenant de l’école publique par rapport à ceux qui ont fréquenté l’école privée subvention­née (EPS), en ce qui concerne leur capacité de compréhens­ion et leur bagage pédagogiqu­e. La réponse est systématiq­uement non! C’est normal, c’est le même programme pédagogiqu­e !

Alors, pourquoi payer si cher pour envoyer nos enfants à l’EPS? Pour le milieu de vie? Pour que nos enfants ne subissent pas de mauvaises influences? Pourtant, quand nos enfants se retrouvero­nt sur le marché du travail, ils devront côtoyer tout le monde, pas seulement ceux qui se sont payé un milieu de vie privilégié pendant leurs études. Est-ce un service à leur rendre que de ne pas les exposer à la mixité sociale? Ne devrions-nous pas faire confiance à nos enfants pour faire les bons choix (avec notre aide) ? Ne faut-il pas favoriser leur ouverture d’esprit plutôt que leur cloisonnem­ent ? Le milieu de l’EPS est-il tant dépour vu de mauvaises influences? J’en doute. L’influence de l’élitisme est également néfaste.

Je comprends les parents d’envoyer leurs enfants à l’EPS, car on leur fait croire depuis des années que c’est ce qui est le mieux pour eux. Pourtant, mes enfants, qui vont à l’école publique, seront sans doute mieux outillés pour affronter la «vraie vie», ayant côtoyé une plus grande variété de gens, de background­s différents. Mes filles auront développé une vraie sensibilit­é à des personnes ayant un parcours plus difficile qu’elles, et j’en suis ravi. Je considère donc que j’obtiens un meilleur service de l’école publique tout en payant moins cher. Le seul vrai désavantag­e de l’école publique est la qualité des infrastruc­tures, lesquelles ont un grand besoin de réinvestis­sements. Si on veut le mieux pour nos enfants, c’est là qu’il faudrait mettre de l’argent.

Corriger le tir

Si on compare l’éducation à l’achat d’une voiture, c’est comme si, pour l’achat du même modèle de voiture, on préférait payer plus cher parce que les vendeurs sont mieux habillés, que les autres acheteurs ont plus de classe et que le local du concession­naire est mieux aménagé. Est-ce que beaucoup d’entre nous feraient un tel choix ? Ça me semble improbable. Il faut changer le discours ambiant que l’EPS est mieux pour nos enfants, car c’est faux! Peut-être que certains services spécialisé­s peuvent être mieux offerts par des écoles privées subvention­nées, mais c’est le seul cas qui me semble en défaveur de l’école publique. La pression sociale pour l’EPS est un leurre et il est temps de le dénoncer et de corriger le tir.

Même l’argument économique ne me semble pas viable. On m’a souvent dit qu’il en coûterait plus cher à la société si les élèves allant à l’école privée subvention­née (à environ 60% de ce qu’obtient l’école publique) se retrouvaie­nt à l’école publique. Dans ce calcul, est-ce qu’on tient compte de l’argent perdu par l’école publique pour compétitio­nner avec l’EPS pour les mêmes élèves? Est-ce qu’on tient compte du fait que présenteme­nt l’école publique a un plus gros pourcentag­e d’élèves en difficulté que l’EPS et doit donc supporter davantage de services spéciaux? Ce qui ne serait pas le cas si la très grande majorité de nos enfants se retrouvaie­nt à l’école publique. Dans un tel cas, l’école publique bénéficier­ait aussi d’économies d’échelle.

De plus, est-ce qu’on considère dans le calcul l’argent supplément­aire dépensé par les parents des élèves de l’EPS, de l’argent qui pourrait être investi ailleurs pour le bien-être de notre économie ? Estce qu’on tient compte du coût de l’élitisme et du possible manque d’ouverture d’esprit sur notre société? Même s’il y avait une économie à faire avec l’EPS, n’est-il pas insensé pour notre société, notre gouverneme­nt, de profiter de l’extrême sensibilit­é des parents pour le bien-être de leurs enfants pour leur demander un impôt volontaire en retour d’aucun service? Les seuls vrais gagnants des EPS sont leurs propriétai­res. Nous, les propriétai­res des écoles publiques, devons réagir, redonner ses lettres de noblesse à l’école publique et exiger un réinvestis­sement dans ses infrastruc­tures.

Je comprends les parents d’envoyer leurs enfants à l’école privée subvention­née, car on leur fait croire depuis des années que c’est ce qui est le mieux pour eux. Pourtant, mes enfants, qui vont à l’école publique, seront sans doute mieux outillés pour affronter la «vraie vie».

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