Riches portraits de société
Petit guide pour s’y retrouver dans une saison alliant quantité et qualité
Comme la précédente, la saison hivernale se démarque par la quantité — et la qualité — des voix féminines. Chez les auteures d’abord. Mais les créatrices sont aussi relativement nombreuses à occuper la fonction de metteur en scène, un créneau encore largement masculin. Le portrait est aussi riche en propositions de toutes sortes, dont certaines explorations de thématiques sociales ou politiques pertinentes.
Écrivaines en vedette
Les oeuvres littéraires ont beaucoup inspiré, contemporaines comme classiques. Avec Hurlevents, Fanny Britt a puisé librement chez Emily Brontë pour créer une comédie dramatique sondant les millénariaux et mise au monde par le directeur du Théâtre Denise-Pelletier, Claude Poissant. L’un des joyaux des lettres québécoises, La détresse et l’enchantement, prendra vie au Théâtre du Nouveau Monde (TNM). Un monologue où Marie-Thérèse Fortin porte la voix de Gabrielle Roy. Enfin, Geneviève Pettersen a adapté son propre roman, La déesse des mouches à
feu. Cette production du Théâtre PÀP offre la scène du Quat’Sous à onze adolescentes.
Elles les regardent
Après La nuit juste avant les forêts, c’était écrit que Brigitte Haentjens poursuivrait son exploration du théâtre de Koltès. Avec Dans la solitude des champs de coton, elle orchestre à l’Usine C un face à face entre Sébastien Ricard et Hugues Frenette.
Martine Beaulne, elle, revisite la tumultueuse fratrie du Chemin des
passes-dangereuses. La pièce de Michel Marc Bouchard célèbre ses vingt ans avec un retour sur la scène du Jean-Duceppe.
Dire et redire
La nouvelle oeuvre collective de la compagnie inclusive Joe Jack et John (qui intègre un interprète vivant avec une déficience intellectuelle) a pour prémisse un thème très actuel. Dans Dis merci, dirigée par Catherine Bourgeois, la préparation d’une fête pour accueillir des réfugiés dérape des bonnes intentions aux luttes de pouvoir. Dès le 26 janvier, à Espace libre.
Olivier Choinière lance sa première création de l’ère trumpienne, période où l’absurde est devenu normal, dit-il. L’auteur y examine le pouvoir de persuasion d’un gourou politique sur ses fidèles. Avec douze comédiens et un groupe métal sur scène, Jean dit annonce un «électrochoc». Du créateur de Mommy, on n’a pas de mal à le croire. Dès le 20 février, au Théâtre d’aujourd’hui.
Philosophie métaphysique
Les robots font-ils l’amour? prendra la forme d’une création au sujet actuel — et fascinant. Angela Konrad s’appuie sur un essai scientifico-philosophique pour aborder les avancées technologiques qui remettent en question la nature et les limites de l’espèce humaine. Un spectacle en forme de colloque fictif. Dès le 27 février, à l’Usine C.
La vie utile est un mariage prometteur entre un « conte métaphysique », plongeant dans la mémoire et le rêve, d’Evelyne de la Chenelière et une mise en scène de Marie Brassard. Avec Christine Beaulieu et Sophie Cadieux, entre autres. Dès le 24 avril, à Espace GO.
Jeunesse d’ajourd’hui
Les créatrices sont relativement nombreuses à occuper la fonction de metteur en scène, un créneau encore largement masculin
La jeune Marianne Dansereau a remporté le prix Gratien-Gélinas pour cette première pièce, baptisée Hamster, qui offre une vision tragi-comique de la solitude en banlieue. Une production dirigée par Jean-Simon Traversy. Dès le 6 mars, à La Licorne.
L’Idiot marque l’entrée d’intéressants jeunes créateurs au TNM: la metteure en scène Catherine Vidal et le dramaturge Étienne Lepage, qui transpose le roman de Dostoïevski. Avec une imposante distribution, dont Renaud Lacelle-Bourdon et Évelyne Brochu. Dès le 20 mars.
Chez eux, chez nous
C’est un riche terreau que le théâtre québécois a peu exploré à ce jour. Simon Boudreault (As is)
puise dans sa propre vie pour poser son regard satirique sur une union interculturelle. Comment je suis
devenu musulman, sa comédie dramatique, dépeint les questionnements qu’entraîne une naissance lorsque le futur papa est athée et que la belle-famille d’origine marocaine est religieuse… Dès le 3 avril, à La Licorne.
Intrigante, cette création d’Alexia Bürger (Alfred) autour de la responsabilité individuelle intitulée Les Harding. Tous les personnages (campés par Martin Drainville, Patrice Dubois et Bruno Marcil) s’y nomment Thomas Harding, comme le cheminot impliqué dans la tragédie de Lac-Mégantic… Dès le 10 avril, au Théâtre d’aujourd’hui.
Rarement montée ici, Trahison, la brillantissime pièce du Britannique Harold Pinter, dissèque l’infidélité, maritale et amicale, à travers une audacieuse structure inversée. Frédéric Blanchette y dirige un alléchant trio: Julie Le Breton, François Létourneau et Steve Laplante. Dès le 8 mai, au Rideau vert.
Frédéric Dubois revient à l’un de ses auteurs fétiches, Ionesco, avec Les chaises. Le metteur en scène du Roi se meurt réunit deux grands de la scène, Monique Miller et Gilles Renaud, dans cette farce tragique. Dès le 8 mai, au TNM.