La lourdeur des traditions
Ce n’est pas seulement parce qu’il a été journaliste et que sa plume, sans doute pour cette raison, a une efficacité redoutable. C’est aussi par l’inclinaison sociale de son regard que Chang Kang-myoung séduit avec ce récit sans concession qui sonde avec finesse et lucidité les douleurs intérieures de la jeunesse coréenne.
Le titre a l’aigreur d’un kimchi trop salé. Il concentre les raisons qui poussent Kyena, 27 ans, à embarquer un jour pour l’Australie. Elle veut y poursuivre sa vie, comme étudiante d’abord et plus si affinités. Elle laisse derrière elle un amoureux, Ji-myeong, garçon de bonne famille, un emploi dans une banque d’affaires touchée par une affaire d’investissements frauduleux, mais surtout ses illusions sur un pays dont la modernité est trop souvent affligée par le poids de ses codes et traditions.
«Je n’ai pas d’avenir en Corée, ditelle. Je ne suis pas sortie d’une grande université, je ne viens pas d’une famille riche, ne suis pas aussi belle que Kim Tae-hui [célèbre actrice et mannequin née en 1980]. Si je reste en Corée, je finirai ramasseuse de détritus dans le métro. »
Le ton est celui du journal, celui d’une jeune fille au regard critique qui met en perspective la sociologie de son présent, tout comme ses aspirations au contact de l’ailleurs et du lointain. Bien sûr, la condition de l’expatrié coréen en Australie n’est pas une sinécure. L’immigration se heurte au même genre de réticences et de préjugés peu importe l’endroit du globe où elle se joue. Mais elle pose ce cadre oscillant entre le documentaire et la comédie, dans lequel Kyena va finir par se définir, le tout dans un appel à la liberté, dans le cri d’une femme dont la tonalité et les fondations ont forcément quelque chose d’universel.