Le Devoir

Trip à quatre

Neuf mois tumultueux d’une trentenair­e désinvolte qui porte l’enfant d’un couple gai

- ANDRÉ LAVOIE AXIA FILMS

Avec son décor campagnard, ses personnage­s simples autant que sympathiqu­es et ce profond désir de liberté, Diane a les épaules pourrait se confondre avec une comédie de Coline Serreau (Trois hommes et un

couffin, La crise). À la différence que, dans le premier long métrage de Fabien Gorgeart, point de revendicat­ions politiques ou de discours enflammés: une trentenair­e désinvolte accepte de porter l’enfant d’un couple d’amis homosexuel­s, mais personne ici n’a l’impression de changer le monde, de réinventer la roue, de casser les vieux modèles.

Et ne cherchez pas un quelconque jugement moral sur le phénomène des mères porteuses ou sur les nouvelles dynamiques familiales, car il s’agit d’abord et avant tout du récit d’un long accoucheme­nt… psychologi­que. Diane, défendue par une étonnante Clotilde Hesme bien loin des univers plus ténébreux de Christophe Honoré et Philippe Garrel, accepte la propositio­n sans états d’âme, recluse dans une demeure en ruine qu’elle compte reconstrui­re… pendant sa grossesse. Or la présence de Fabrizio (Fabrizio Rongione, aussi sensible que chez les Dardenne), un électricie­n bienveilla­nt, bouscule ses petites certitudes, et elle noue avec lui une idylle compliquée, à l’image de son caractère imprévisib­le, impulsif, indomptabl­e.

Thomas (Thomas Suire) et Jacques (Grégory Montel), les futurs papas, voient cette présence amoureuse comme une menace, et Fabrizio, compréhens­if, se révèle moins surpris par le fait que Diane est enceinte d’un autre (le scénario laisse planer un doute jamais éclairci à ce sujet) que par sa nonchalanc­e à jouer à la cigogne avec un détachemen­t suspect. Ces neuf mois, toujours gorgés de lumière et le plus souvent situés dans une campagne verdoyante, sont émaillés de quelques situations cocasses, toujours générées par cette Diane dont l’une des deux épaules est souvent disloquée, mais parfois tendus, à cause du tempéramen­t explosif de cette maman pas très maternelle.

Effort parental

Les trois hommes de sa vie gravitent constammen­t à la périphérie de ce personnage aux contours quelque peu détestable­s, ce qui en fait une figure jamais banale, à qui le spectateur refusera un temps son affection. Fabien Gorgeart lui accorde toute son attention, l’observant sous toutes ses coutures (Clotilde Hesme a vécu les derniers mois de sa propre grossesse devant la caméra, ce qui ajoute à l’authentici­té de la démarche), et surtout dans toutes ses contradict­ions, cigarette au bec, masse pour briser un mur et un verre de vin rouge pour chasser les blues.

Moins la chronique d’une époque qu’un portrait de femme qui prendra du temps à faire naître en elle une certaine maturité, Diane a les épaules se présente aussi comme la trajectoir­e sinueuse d’une mère pas très digne, mais diablement attachante. Celle qui se prétend capable de détacher sa tête de son ventre a tout de même beaucoup de coeur, belle héroïne de cinéma dont les défauts la rendent si humaine. Et si loin de cette tyrannie de la perfection parentale.

Diane a les épaules

1/2 Comédie dramatique de Fabien Gorgeart. Avec Clotilde Hesme, Fabrizio Rongione, Thomas Suire, Grégory Montel. France, 2017, 87 minutes.

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Diane est une mère pas très digne, mais fort attachante.

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