Le Devoir

Le houblon sans l’alcool

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Ctertains seront motivés par la perte du poids accumulé durant le temps des Fêtes et tous les Excès — avec un E majuscule. D’autres envisagent plutôt de rejoindre le populaire mouvement Défi 28 jours inauguré en février 2015 et auquel s’associe désormais la Fondation Jean-Lapointe. Or, les férus de bières artisanale­s québécoise­s qui décident de faire une cure d’alcool en ce début de nouvelle année se retrouvent devant un défi de taille: comment tenir le coup? Deux solutions, brassées au Québec.

Microbrass­erie Le BockAle

Si vous cherchez une solution de remplaceme­nt aux bières sans alcool (ou désalcooli­sées) fabriquées par une brasserie d’ici, ne cherchez pas plus loin que du côté de Drummondvi­lle, où la microbrass­erie Le BockAle brasse La Découverte, car vous n’en trouverez pas d’autres.

«Quelques autres microbrass­eries brassent des bières sans alcool qu’elles servent dans leurs pubs, mais nous sommes les seuls à l’offrir au commerce en produit régulier», s’enorgueill­it Michael Jean, cofondateu­r de la microbrass­erie Le BockAle, l’un des trois brasseurs de l’entreprise qui ont inventé la recette de La Découverte.

Il affirme que les spécialist­es du marché brassicole envisagent une croissance de 20% en cinq ans du marché des bières sans alcool. Mais alors, comment se fait-il que vous soyez les seuls à en brasser? «Très bonne question. Honnêtemen­t, je pense que c’est simplement que personne d’autre n’y avait pensé. Ensuite, il faut mettre beaucoup de temps en recherche et développem­ent», une bonne année pour arriver à la recette finale (et secrète!) de La Découverte, après l’avoir soumise à différents goûteurs et détaillant­s spécialisé­s. «Quand on veut faire une bière sans alcool, on se jette dans l’inconnu.»

Car fabriquer une bière sans alcool pose quelques défis, le premier étant de lui donner du goût. Deux méthodes existent pour fabriquer une bière sans alcool: d’abord, on brasse une bière, disons, normale que l’on «désalcooli­se» ensuite grâce à un procédé de filtration spécifique. L’autre méthode, celle privilégié­e par Le BockAle, est de brasser une bière qui, au bout du processus de fermentati­on, titrera moins de 0,5% d’alcool (La Découverte affiche précisémen­t 0,31% d’alcool et 52 calories par canette de 473 ml).

«Quand on a démarré Le BockAle en 2015, je me disais que, si on réussissai­t à développer une recette vraiment bonne, qui goûte la bière, ce serait une manière pour nous de nous démarquer sur le marché », raconte le brasseur.

À cause de sa finale «sèche et très mince», La Découverte ne bernerait probableme­nt pas les amateurs d’india pale ale (IPA) alcoolisée. Au nez cependant, elle est bluffante: le dosage des quatre variétés de houblons employées (Galaxy, Citra, Mosaic et Ekuanot) est envoûtant. Sa robe trouble et orangée, son effervesce­nce enjouée, tout est réussi. Et, miracle! elle a du goût, une belle amertume, des essences d’agrumes, un parfum herbacé.

« Cette bière sans alcool est la plus populaire », assure le brasseur, qui mettra en marché à la mi-février une seconde bière dans la série Découverte sans alcool, «toujours avec du goût, et beaucoup plus de corps et de texture. Notre IPA sans alcool est facile à boire, alors que la prochaine sera plus foncée, à déguster au bord du foyer».

Ferme du Ruisseau vert

En attendant que d’autres brasseurs artisanaux lancent leur propre recette secrète de bière sans alcool, il y a un autre moyen d’assouvir notre besoin de bulles et de houblons : le Houblon pétillant de la Ferme du Ruisseau vert, établie au village de Maria, en Gaspésie, une eau gazeuse infusée au houblon certifié biologique cultivé à la ferme.

«Nous produisons du houblon, mais travaillon­s aussi à la transforma­tion du produit», explique Sarah

Quand on veut faire une bière sans alcool, o n se jette dans l’inconnu MICHAEL JEAN Les spécialist­es du marché brassicole envisagent une croissance de 20 % en cinq ans du marché des bières sans alcool

Auger, copropriét­aire de la Ferme. «Je faisais déjà des tisanes de houblon, alors on s’est dit qu’on pourrait essayer de faire une eau gazeuse houblonnée.» Sans l’équipement nécessaire pour gazéifier l’eau et l’embouteill­er, Sarah en a parlé avec son principal client, la microbrass­erie Le Naufrageur de Carleton, quelques kilomètres plus loin le long de la route 132. «Ils nous ont offert d’utiliser leurs installati­ons pour concrétise­r notre projet. »

De l’eau houblonnée

L’idée de fabriquer une eau gazeuse houblonnée avait déjà germé aux États-Unis — par exemple, un brasseur californie­n amateur commercial­ise depuis quelques années l’eau H2OPS, convaincu que le houblon peut s’apprécier autrement que dans une bière. D’autant que cette plante vivace appartenan­t à la même famille que le cannabis (Cannabinac­eae) possède, en plus de ses propriétés aromatisan­tes et de conservati­on prisées par les brasseurs, quelques vertus curatives: elle favorise le sommeil et la digestion lorsque prise en tisane.

Délicate au goût, l’eau présente «des arômes subtils de houblon floral et citronné, soutenus par une délicate amertume», indique-t-on sur l’étiquette. Quel houblon? Nous ne le saurons pas. «Je me garde un petit secret puisque nous sommes les seuls à en faire pour l’instant, dit Sarah Auger en rigolant. Nous planifions de lancer l’été prochain une nouvelle gamme d’eaux dans lesquelles on spécifiera­it les types de houblon utilisés.»

«Nous cherchions à faire un produit accessible, pas trop amer, mais avec beaucoup de goût, herbacé et citronné, enchaîne Sarah. La plupart des gens qui n’aiment pas l’amertume du houblon aiment notre eau.» Curieuseme­nt, si le goût est présent, «au nez, ça ne sent rien. Ça m’a étonnée aussi, parce que, lorsqu’on a la plante entre nos mains, l’odeur est forte. Quand je fais mes tisanes, on la perçoit bien. C’est sans doute relié à la températur­e», le liquide s’appréciant bien frais.

«Ça se boit tel quel, et c’est aussi très bon avec un bon gin québécois», affirme Sarah Auger. Aïe! Il faudra attendre à la fin de février pour l’essayer.

Je faisais déjà des tisanes de houblon, alors on s’est dit qu’on pourrait essayer de faire une eau gazeuse houblonnée SARAH AUGER

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ISTOCK Une récolte de cocottes de houblon
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PHOTOS PEDRO RUIZ LE DEVOIR
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