Le Devoir

Pour grignoter intelligem­ment

- JEAN-PHILIPPE TASTET COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

D

ans le petit monde de la restaurati­on, tout le monde connaît tout le monde. Ou presque. Je prends beaucoup de plaisir à suivre les allées et venues des uns et des autres, chefs, sous-chefs, serveurs, sommeliers, plongeurs, ces derniers n’étant pas les moins intéressan­ts, leurs observatio­ns donnant toujours une perspectiv­e originale sur les établissem­ents où ils travaillen­t. Une sommelière émérite vient d’arriver chez Boxermans, parlons-en.

Les assiettes m’intéressen­t prioritair­ement, mais compte tenu de l’impact que les bouteilles ont sur la facture, j’ai développé un grand intérêt pour le teneron, la négrette et autres cépages exotiques. Parmi les meilleurs sommeliers, Morgane Muszynski occupe le groupe de tête. Elle parle avec ferveur de sa passion et sait parfaiteme­nt doser explicatio­ns et conseils en fonction de votre niveau d’intérêt pour la boisson.

Le menu est le même midi et soir chez Boxermans. Voulant faire économiser mon groupe d’amis franchemen­t porté sur la bouteille, j’optais pour un midi. Vaine tentative, Morgane ayant un tel pouvoir de persuasion qu’au sortir de table, les factures des assoiffés dont je tairais les noms étaient le double et plus de celles de Ron et moimême, l’un abstinent, l’autre frugal. Une bonne sommelière sait comment amener le client faible à pécher; Pierre et Jean-Pierre péchèrent joyeusemen­t.

Et les assiettes? me direz-vous. Très bien si l’on considère que l’espace cuisine de Boxermans est plus petit que la plupart des cuisines de ses clients. De petits plats soignés et divertissa­nts, comme, pour commencer quelques huîtres écaillées avec applicatio­n ou un plateau de charcuteri­es et fromages où se mêlent speck italien, bresaola, fromage de chèvre Mascotte, cheddar Irish Porter, cornichons, betteraves, poivrons et aubergines marinés en quantité suffisante pour combler quatre fourchette­s.

Ron, expert ès cuisine italienne, s’est extasié devant les gnocchis à la ricotta maison, tomates cerises, poivrons rôtis déglacés au vin blanc, montés au beurre, basilic, roquette et fromage Manchego vieilli 12 mois; nous avons partagé son enthousias­me.

Arrive une portion raisonnabl­e de loup de mer poêlé, accompagné de carottes et de topinambou­rs rôtis, poireaux braisés, purée d’oignon sucrée, sauce émulsionné­e au vin blanc et beurre maître d’hôtel.

Suivent deux plats pour amateurs de cuisine non violente, sauf pour les légumes violemment arrachés à la terre nourricièr­e: une belle assiette mêlant brocolis, haricots verts et pesto ; kale frit, épeautre frit, citron poêlé, sauce pesto, purée d’ail noir. Dans un autre plat élégant, des patates douces rôties, sauce babeurre, crème sure et baies de genièvre, ainsi que des choux de Bruxelles frits, vinaigrett­e miel et piment d’Espelette, grenade et graines de citrouille.

Le pain de la boulangeri­e Hof Kelsten complète bien la plupart des propositio­ns. À cette adresse-ci également, le chef gagnera à épurer ses assiettes, le mieux, en cuisine comme ailleurs, étant l’ennemi du bien.

En desserts, deux succès: gâteau au chocolat nappé de crème fouettée au bourbon et Angostura et crème brûlée à saveur de bergamote.

P.-S. Je vous souhaite de ne pas voir de schnitzel au poulet sur le menu lorsque vous passerez. Il y en avait malheureus­ement lors de ma visite. Une assiette aussi laide qu’indigeste.

Boxermans

★★★★ $$ 1/2 1041, avenue Van Horne, 514 495-4000. Ouvert de 8h à 23h, du jeudi au lundi, y compris les brunchs de fins de semaine de 10h à 15h. Midi et soir, une vingtaine de choix au menu pour une moyenne on ne peut plus raisonnabl­e de 8,10$. De la carte des vins, Jean Aubry dit : « Moi, une carte comme celle-là me donne rapidement le prétexte de me caler confortabl­ement sur la banquette pour mieux rêver les vins proposés. Liberté de choix pour des vins bien choisis. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada