Le Devoir

Marijuana Survol du cadre légal des provinces

Plusieurs gouverneme­nts provinciau­x comptent eux aussi encadrer davantage qu’Ottawa la vente et la consommati­on de cannabis

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Québec n’est pas seul à vouloir encadrer la légalisati­on de la marijuana davantage qu’Ottawa, révèle un survol des cadres législatif­s des provinces réalisé par Le Devoir.

Le Manitoba compte en effet lui aussi interdire la production de cannabis à domicile, tandis que la Saskatchew­an imposera la tolérance zéro à tous ses conducteur­s. Le gouverneme­nt québécois se fait en revanche plus permissif que la majorité de ses homologues en ce qui a trait à la consommati­on de cannabis, qui dans plusieurs provinces sera carrément interdite en public.

Le gouverneme­nt de Philippe Couillard avait causé la surprise en annonçant cet automne qu’il proscrirai­t la production personnell­e de cannabis à domicile.

Le projet de loi fédéral permet aux citoyens d’en faire pousser quatre plants par résidence. Le gouverneme­nt de Justin Trudeau a jusqu’ici refusé de préciser si la loi québécoise contrecarr­erait l’esprit de la sienne, mais des juristes ont prédit au Devoir que l’exception québécoise serait assurément contestée devant les tribunaux et pourrait y être invalidée.

Or, le Manitoba interdira lui aussi la production de cannabis à la maison. «Cette approche est conforme à notre engagement de protéger les jeunes et répond également aux préoccupat­ions de certains qui craignent que la production personnell­e à domicile ne soit détournée vers le marché noir», plaidait la ministre manitobain­e de la Justice, Heather Stefanson, le mois dernier.

La Saskatchew­an — dont l’ébauche d’encadremen­t de la légalisati­on de la marijuana est également sévère — n’a pas encore tranché la question, tout comme la Colombie-Britanniqu­e et Terre-Neuve.

« En vertu du projet de loi C-45, les gouverneme­nts provinciau­x auront la possibilit­é d’établir davantage » de restrictio­ns concernant la culture du cannabis pour usage personnel Jody Wilson-Raybould, ministre fédérale de la Justice

«En vertu du projet de loi C-45, les gouverneme­nts provinciau­x auront la possibilit­é d’établir davantage de restrictio­ns concernant la culture du cannabis pour usage personnel », a réitéré le bureau de la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, au Devoir. Mais son cabinet a une fois de plus refusé de préciser si l’interdicti­on complète de production à domicile représente­rait à ses yeux une restrictio­n acceptable ou au contraire excessive.

Au Nouveau-Brunswick, il sera possible de se faire pousser du cannabis à la maison, mais cette production devra se faire dans une pièce verrouillé­e ou, si c’est dehors, derrière une clôture d’au moins un mètre et demi de haut.

Les conservate­urs manitobain­s sont en outre plus stricts que le Québec et le reste de leurs homologues en fixant l’âge légal de consommati­on du cannabis à 19 ans, soit un an de plus que l’âge légal de l’alcool dans la province.

Pas de tolérance en voiture

Le gouverneme­nt québécois avait par ailleurs souhaité envoyer «un message» en prévenant qu’il imposerait un régime de tolérance zéro sur ses routes.

Les experts ont prévenu que ce serait impossible, puisque la science n’a établi aucun lien entre le niveau d’intoxicati­on et la présence de cannabis dans la salive. La loi fédérale permettrai­t la présence de l’équivalent cinq nanogramme­s de THC — l’ingrédient actif le plus important du cannabis — par millilitre de sang.

Néanmoins, la Saskatchew­an promet à son tour de ne tolérer aucune consommati­on chez les conducteur­s de la province.

«Notre gouverneme­nt envoie un message clair; bien que le cannabis soit bientôt légal, conduire avec les facultés affaiblies est illégal, dangereux pour la sécurité publique, et sera puni sévèrement», arguait le ministre de la Saskatchew­an responsabl­e du dossier, Joe Hargrave, fin novembre.

Le Manitoba «explore les options» et n’exclut pas d’emboîter le pas.

L’Ontario, le Nouveau-Brunswick, et les Territoire­s-du-Nord-Ouest se contentent quant à eux d’interdire toute présence de THC chez les conducteur­s de moins de 21 ans et ceux qui ont un permis de débutant.

L’Alberta sévira uniquement contre ces derniers.

Aux Territoire­s-du-Nord-Ouest, il faudra en outre que le cannabis soit rangé hors de la portée du conducteur et de ses passagers, dans le coffre du véhicule, par exemple.

Fumer derrière les portes closes

Si le Québec fait partie des provinces les plus strictes à bien des égards, il se fait en revanche laxiste en matière de consommati­on. Celle-ci y sera permise dans les mêmes lieux que le tabac. Idem aux Territoire­s-du-Nord-Ouest et en Alberta, qui l’interdiron­t cependant dans les lieux publics où pourraient se trouver des enfants, comme les terrains de jeu ou les jeux d’eau.

Le Manitoba tolérera la marijuana en public, mais uniquement dans les lieux à ciel ouvert.

L’autre moitié des provinces a adopté la ligne dure: le cannabis ne pourra être consommé que dans les résidences privées en Ontario, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Yukon.

En matière de distributi­on, une ligne de fracture géographiq­ue s’est installée entre les provinces de l’Ouest et les autres. L’Alberta, la Saskatchew­an et le Manitoba vendront le cannabis légal par le biais de détaillant­s privés. Seule Terre-Neuve-et-Labrador a adopté le même modèle.

Toutes les autres provinces à l’est des Prairies confieront la distributi­on de marijuana à leur société des alcools.

Presque toutes prêtes

Bien que les provinces et territoire­s aient fait front commun au départ pour sommer le gouverneme­nt Trudeau de retarder la légalisati­on de la marijuana, force est de constater qu’elles comptent presque toutes un plan de match à moins de six mois de la légalisati­on, prévue en juillet prochain.

Seuls le Nunavut, la Saskatchew­an et la Colombie-Britanniqu­e accusent du retard. Ces deux dernières ont cependant eu à gérer des contrainte­s électorale­s.

Sur la côte ouest, un tout nouveau gouverneme­nt néodémocra­te a été élu en mai dernier. Il n’a pas encore précisé le modèle de distributi­on qu’il privilégie­ra ni l’encadremen­t de la consommati­on ou de la conduite avec facultés affaiblies.

En Saskatchew­an, la démission-surprise du premier ministre des dix dernières années, Brad Wall, a créé de l’incertitud­e au gouverneme­nt. Son successeur sera élu dans dix jours et le nouveau premier ministre aura alors le soin de décider de l’âge légal et des lieux de consommati­on, ainsi que de la possibilit­é d’autoriser ou non la production à domicile.

 ??  ??
 ?? ALEKSANDAR KAMASI GETTY IMAGES ?? Le gouverneme­nt québécois se fait plus permissif que la majorité de ses homologues en ce qui a trait à la consommati­on de cannabis en public.
ALEKSANDAR KAMASI GETTY IMAGES Le gouverneme­nt québécois se fait plus permissif que la majorité de ses homologues en ce qui a trait à la consommati­on de cannabis en public.

Newspapers in French

Newspapers from Canada