Cancer de la prostate : le dépistage de routine non recommandé
Le dépistage du cancer de la prostate par un dosage de l’APS se fait encore couramment au Québec malgré les avis défavorables qui s’accumulent.
Le Collège des médecins du Québec recommandait en 2013 de ne plus l’offrir aux patients. L’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) formulait la même recommandation la semaine dernière, faisant valoir qu’il n’y a aucun avantage au dépistage du cancer de la prostate par le dosage de l’APS en matière de réduction de la mortalité globale et que les interventions qui sont pratiquées à la suite de ce dépistage comportent des risques importants.
«Nos médecins sont très informés de nos directives et de celles de l’INESSS, mais ils ne peuvent pas s’opposer à la prescription d’un dosage de l’antigène prostatique spécifique (APS) si le patient l’exige. Or, malgré les recommandations de l’INESSS et du Collège des médecins, plusieurs patients exigent un dosage de l’APS, et ce, même s’ils ont été informés des risques et même si le médecin tente de les en dissuader», affirme le Dr Charles Bernard, président-directeur général du Collège des médecins du Québec.
Le Dr Bernard avoue que la question du dépistage du cancer de la prostate «est délicate» en raison de l’ambivalence concernant la pertinence réelle de dépister ce cancer.
«Ce n’est pas aussi clair que pour le dépistage du cancer du sein, où des données probantes nous montrent les avantages d’un dépistage précoce. Dans le cas du cancer de la prostate, il y a du pour et du contre, et le médecin doit en discuter avec le patient. »
Aucun avantage
Après avoir analysé les résultats d’essais cliniques et de méta-analyses synthétisant plusieurs études effectuées selon les bonnes pratiques scientifiques, l’INESSS n’a relevé aucun avantage au dépistage du cancer de la prostate par le dosage de l’APS en matière de réduction de la mortalité globale.
Bien qu’un tel dépistage permette une détection accrue de cancers et un diagnostic à un stade précoce, il appert qu’une grande proportion (20 à 50%) des cancers ainsi dépistés sont indolents, c’est-à-dire qu’en raison de «leur évolution lente, ils pourraient ne jamais se manifester, et les patients décéderaient d’une cause autre que le cancer ».
Dans la plupart des cas, il aurait été préférable de ne pas les traiter compte tenu des risques et des effets indésirables associés aux traitements.
Selon une étude relatée dans le rapport de l’INESSS, «environ 75% des hommes traités par chirurgie (prostatectomie radicale) ou par radiation seront atteints de dysfonction érectile, d’incontinence urinaire ou de toxicité gastro-intestinale ».
Dans le but de retarder, voire d’éviter ces traitements, la «surveillance active» est une pratique de plus en plus employée et qui est recommandée depuis 2013 par le Collège des médecins.
Cette option consiste «à ne pas traiter immédiatement un cancer de la prostate nouvellement diagnostiqué lorsque la tumeur est cliniquement localisée et à faible risque de progression. Les patients sont toutefois soumis à une surveillance régulière, clinique, biologique et histologique par biopsies. Un traitement curatif n’est proposé qu’en cas de progression tumorale ».
«Il est préférable d’adopter une attitude progressive parce que le cancer de la prostate évolue la plupart du temps très lentement et que les traitements sont radicaux », souligne le Dr Charles Bernard.
Recours à l’IRM
Selon l’étude britannique PROMIS publiée en 2017 et citée dans le rapport de l’INESSS, le recours à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) à la suite d’un résultat élevé d’APS permettrait d’éviter la biopsie chez 27% des patients et augmenterait la détection des cancers les plus menaçants.
«Toute approche moins invasive [comme l’IRM] est intéressante parce qu’elle entraîne moins d’effets secondaires qu’une biopsie, qui est comme une intervention chirurgicale et peut aboutir à des complications, comme une infection», déclare le Dr Bernard.
Le rapport de l’INESSS précise que les hommes ayant des antécédents familiaux sont plus à risque de recevoir un diagnostic de cancer de la prostate, toutefois ils ne sont pas plus susceptibles de souffrir d’un cancer agressif ou de décéder des suites d’un tel cancer.
Selon l’INESSS, le dosage de l’APS ne devrait être accessible qu’aux hommes asymptomatiques âgés de 55 à 69 ans ayant une espérance de vie de plus de 10 ans, qui en font la demande et qui ont été informés des avantages et des risques de cette démarche.
Pour les hommes de 70 ans et plus ou dont l’espérance de vie est inférieure à 10 ans, on recommande de ne faire aucun dépistage, car il est complètement inutile.
Pourtant, en 2013-2014, 61 % des hommes de 70 à 79 ans et 44 % de ceux âgés de 80 ans et plus ont eu un dosage de l’APS.
Plusieurs patients exigent un dosage de l’APS, et ce, même s’ils ont été informés des risques et même si le médecin tente de les en dissuader Le Dr Charles Bernard, président-directeur général du Collège des médecins du Québec