Le Devoir

Une explosion d’orchidées

En cette blanche saison, la collection du Jardin botanique de Montréal montre ses couleurs

- HÉLÈNE CLÉMENT Collaborat­rice Le Devoir

Jusqu’au 29 janvier, le Jardin botanique de Montréal invite le public à admirer ses jolies orchidées, en fleurs à cette époque de l’année. Dans un décor évoquant les ruines d’une ancienne forteresse au coeur de la jungle, ces créatures fascinante­s se retrouvent dans leur élément.

Certaines exhalent un parfum puissant. Par exemple, la gracieuse Angraecum eburneum, dont les petites fleurs blanches répandent une odeur suave qui titille l’odorat dès qu’on s’en approche.

Ou la vanille, la seule orchidée comestible parmi les milliers d’espèces et dont la pollinisat­ion serait une affaire de femmes nommées «les marieuses». Du moins à Madagascar, où est produit 80% de la vanille dans le monde, selon le journal Le Monde.

Cela dit, l’exposition commence dès l’accueil par un clin d’oeil à ces magnifique­s orchidées à la morphologi­e parfois si étrange qu’elles passent pour des fleurs rares et fragiles.

Fragiles mais pas rares

«Fragiles, peut-être, mais rares, non», dit Denis Laperrière, l’horticulte­ur responsabl­e de la collection d’orchidées au Jardin botanique de Montréal, une des plus importante­s d’Amérique du Nord. «On en dénombre dans le monde quelque 750 genres et 30 000 espèces. Hormis les déserts et les deux pôles, l’orchidée pousse sur les cinq continents.»

De toutes les tailles, de toutes les formes et de toutes les couleurs, la noble, racée et gracile orchidée appartient à la plus grande famille végétale

de la planète. À l’état sauvage, elle fait preuve d’une étonnante capacité d’adaptation et de diversific­ation.

« Dans les régions tempérées, elle pousse sur le sol, explique Denis Laperrière. Dans les pays chauds et humides, l’orchidée, qui est là-bas épiphyte, se développe sur les arbres, à la recherche de lumière dont elle a grandement besoin.»

Ambiance tropicale

Dans la serre des orchidées et aracées, un mur de pierres imite une vieille forteresse sud-américaine. Un décor conçu il y a quelques années par l’architecte-paysagiste Carlos Martinez, avec des pierres qui remonterai­ent à l’origine de la fondation de Montréal.

«Elles ont été utilisées comme ballast dans les bateaux venant chercher des marchandis­es en Amérique, puis comme pavés dans le Vieux-Montréal», précise Denis Laperrière en montrant du doigt une Lockhartia tenuiflora d’un beau jaune, suspendue sur une plaque d’écorce de liège accrochée à un pan du mur, évoquant la jungle tropicale.

La collection du Jardin botanique compte environ 4000 spécimens et 276 genres parmi les quelque 750 connus dans le monde. Les visiteurs pourront admirer au cours des prochains jours une soixantain­e de ces fleurs dont l’étrange morphologi­e a tant séduit Henry Teuscher, premier conservate­ur et cofondateu­r du Jardin.

C’est en 1936 qu’Henr y Teuscher entre en fonction comme surintenda­nt et chef horticulte­ur au Jardin botanique de Montréal, dont il a dessiné les plans au fil d’une correspond­ance avec le frère Marie-Victorin. Une rencontre qui aura marqué un tournant dans la vie de cet Allemand, né à Berlin en 1891 et émigré aux États-Unis en 1922.

«Dès leurs premières rencontres, les deux hommes se sont liés d’amitié », raconte François Ouellet, aux communicat­ions d’Espace pour la vie. «Et le frère a toujours appuyé son collègue et ami, même lorsque celui-ci fut soupçonné d’espionnage lors de la Seconde Guerre mondiale. Au bout du compte, il a été blanchi. »

On doit à cet horticulte­ur, qui a occupé divers postes reliés à sa spécialité aux ÉtatsUnis — dont celui de dendrologi­ste au Jardin botanique de New York —, l’existence de grandes collection­s comme celle des orchidées du Jardin botanique.

La plus vieille

On retrouve même dans une serre de reproducti­on bichonnée par Denis Laperrière la plus vieille orchidée toujours vivante, la Dandrobium nobile, qui fut rapportée par Henry Teuscher et enregistré­e dans les collection­s du Jardin en 1942.

Ses travaux lui ont permis d’inscrire le genre Teuscheria dans le grand livre des orchidées. Et depuis 1999, le prix Henry-Teuscher est remis à un individu dont les réalisatio­ns contribuen­t à l’avancement de l’horticultu­re au Québec.

Quelques vedettes

Il y a l’Angraecum eburneum, dont l’odeur suave a pour but d’illusionne­r l’insecte ou l’oiseau à des fins de fécondatio­n. À la différence des autres groupes de plantes à fleurs, ni le vent ni l’eau ne feront le travail.

Pièges à odeur, leurres visuels ou sexuels, les orchidées développen­t des stratégies complexes et efficaces pour attirer les pollinisat­eurs. La jolie fleur exploite à son compte les différents comporteme­nts de l’insecte.

Il y a aussi la Paphiopedi­lum, ou sabot de Vénus, qui ressemble à une pantoufle. Puis la Cyrtochilu­m macranthum, dont les tiges florales, volubiles, grimpantes, adorent s’entortille­r et s’agripper et dont la fleur blanche, jaune et pourpre est magnifique.

Et il y a la Fredclarke­ara After Dark, la Cattleya percivalan­ia, la Dendrochil­um glumaceum… Des noms bien savants que l’on apprivoise dans la serre des orchidées et des aracées au fil d’une promenade bordée de quelques panneaux d’interpréta­tion.

Ah oui! Le mot «orchidée» vient du grec orchis, qui veut dire testicules. Simplement parce que les tubercules de certaines des fleurs ressemblen­t à cette partie du corps.

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La collection d’orchidées au Jardin botanique de Montréal est une des plus importante­s d’Amérique du Nord.
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Le décor de l’exposition évoque les ruines d’une forteresse.
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PHOTOS HÉLÈNE CLÉMENT

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