Le Devoir

Les frais accessoire­s auraient fait place aux frais administra­tifs

Une clinique communauta­ire constate un « déplacemen­t de la facturatio­n »

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Depuis leur abolition il y a un an, les frais accessoire­s ont pratiqueme­nt disparu, mais les frais administra­tifs ont augmenté et l’affichage de la tarificati­on dans les cliniques est déficient, constate la clinique communauta­ire de Pointe-Saint-Charles.

Entre le 29 janvier et le 31 octobre 2017, la clinique communauta­ire montréalai­se a reçu 90 déclaratio­ns de patients dans un registre de surveillan­ce des frais accessoire­s. À partir de cet échantillo­n, elle observe que la facturatio­n des frais accessoire­s pour des médicament­s ou des actes médicaux couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) est pratiqueme­nt chose du passé, mais qu’en revanche, les frais administra­tifs réclamés pour remplir des formulaire­s ou pour obtenir une copie de dossier médical augmentent.

Ces frais administra­tifs ne sont pas couverts par la RAMQ et ne sont donc pas considérés comme des frais accessoire­s, mais les membres du comité de lutte en santé de la clinique communauta­ire de Pointe-Saint-Charles dénoncent néanmoins un «déplacemen­t de la facturatio­n» pour compenser l’entrée en vigueur du règlement abolissant les frais accessoire­s.

Coûts «extrêmes»

Ils notent également que plusieurs répondants ont dû payer plus de 500$ afin de subir différents examens pour le soin des yeux, alors qu’il est selon eux impossible de savoir si ces examens sont véritablem­ent nécessaire­s.

Plutôt que de facturer des gouttes pour les yeux, ce qui est maintenant interdit, les ophtalmolo­gistes semblent donc avoir trouvé une autre manière de générer des revenus, affirme Stéphane Defoy, organisate­ur communauta­ire à la clinique de Pointe-Saint-Charles.

«Comment se fait-il que, depuis le mois de janvier dernier, plein de tests médicaux pré et postopérat­oires chez les ophtalmolo­gistes ont surgi, à des coûts extrêmes? On ne peut pas tirer de conclusion, on ne peut que constater, mais c’est étrange », a renchéri dimanche sa collègue ÉliseMerci­er Gouin lors d’une conférence de presse.

Une enquête sur l’affichage de la tarificati­on dans les cliniques publiques à gestion privée a par ailleurs montré que, sur 40 cliniques montréalai­ses visitées, 13 n’affichaien­t pas la liste des frais facturés et 17 affichaien­t des frais qui sont illégaux.

Mis au courant de ces résultats, le Collège des médecins du Québec a indiqué le mois dernier qu’il ferait enquête.

Barrette satisfait

Dimanche, le ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette, s’est réjoui que son règlement ait démontré «son efficacité» pendant cette année, mais il a rappelé que les frais administra­tifs ne tombaient pas « sous son autorité ».

«Les frais administra­tifs, ils ont toujours existé, parce que ce ne sont pas des services médicaux. J’ai la responsabi­lité, moi, de m’assurer que les citoyens du Québec aient accès gratuiteme­nt à des services médicaux», a-t-il soutenu en entrevue à La Presse canadienne.

Quant aux examens ophtalmiqu­es, le ministre Barrette a tenu à mentionner que «tous les examens nécessaire­s à la dispensati­on d’un service» étaient couverts par la RAMQ. «S’il y a des examens qui sont facturés et qui ne sont pas nécessaire­s, la personne doit en discuter avec son médecin, puisque tout ce qui est nécessaire à la dispensati­on d’un service est couvert.»

Un an plus tard

Le gouverneme­nt du Québec a aboli les frais accessoire­s le 26 janvier 2017. À ce moment, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a annoncé qu’il serait désormais interdit de facturer des frais aux patients pour des services couverts par la RAMQ.

«Dès aujourd’hui, seule la carte d’assurance maladie pourra vous être demandée lorsque vous obtenez des services assurés par la RAMQ. Nous effectuons ainsi un pas important pour améliorer l’accès aux soins et aux ser vices de santé », avait-il déclaré.

Le Règlement abolissant les frais accessoire­s n’élimine pas tous les frais. Sur le plan administra­tif, il est interdit de facturer au patient une ouverture de dossier dans un cabinet de médecins. Des frais peuvent cependant être demandés pour une copie de dossier, une photocopie, une copie de CD, un transfert de dossier ou encore un rapport pour les assurances à la suite d’un examen physique.

Le comité de lutte de la clinique communauta­ire de Pointe-Saint-Charles souhaite à terme que les patients n’aient jamais à payer pour recevoir un soin de santé. D’ici là, il demande l’abolition des frais pour les formulaire­s gouverneme­ntaux et réclame que la RAMQ se charge de l’encadremen­t de la tarificati­on des soins non couverts par l’assurance maladie.

Au moment d’écrire ces lignes, la RAMQ n’avait pas réagi aux demandes de la clinique communauta­ire.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les ophtalmolo­gistes semblent avoir trouvé une autre manière de générer des revenus, selon Stéphane Defoy, de la clinique de Pointe-Saint-Charles.

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