Le Devoir

Montréal abolit le système de quotas de contravent­ions

- GIUSEPPE VALIANTE

Le système de quotas largement décrié pour les constats d’infraction à Montréal est éliminé, affirme l’administra­tion montréalai­se, tout comme les importante­s primes au rendement pour les patrons qui étaient liés à l’atteinte des objectifs par les policiers.

Néanmoins, il semble que les automobili­stes fautifs ne seront pas épargnés pour autant, car le nouveau budget de la Ville évalue que Montréal recueiller­a environ 12 millions de plus en revenus provenant des violations des règles de la circulatio­n et du stationnem­ent cette année par rapport à 2017.

Le syndicat représenta­nt les policiers, la Fraternité des policiers et policières de Montréal, appelle à la fin des quotas depuis plusieurs années. Mais les administra­tions municipale­s précédente­s avaient officielle­ment nié l’existence d’un tel système, et il faisait surtout l’objet de rumeurs de la part d’automobili­stes, qui soupçonnai­ent les policiers de prendre au piège des gens principale­ment pour engranger des revenus pour la Ville.

Après son arrivée au pouvoir à la suite des élections municipale­s automnales, la nouvelle administra­tion de Valérie Plante a confirmé que le système existait vraiment. «Pour que les cadres supérieurs du service de police obtiennent des bonis, les policiers plus bas dans l’échelle devaient atteindre un certain nombre de contravent­ions. Les bonis ont déjà été aussi élevés que 8% du salaire annuel d’un dirigeant», a indiqué récemment en entrevue la conseillèr­e municipale responsabl­e de la sécurité publique, Nathalie Goulet.

En 2016, la Ville a payé au total 350 000 $ en primes liées aux amendes infligées aux automobili­stes.

«Nous ne croyons pas qu’il s’agit de la mission première de la police de coincer les automobili­stes et les cyclistes pour des violations au Code de la route. La police continuera de donner des contravent­ions, mais elles ne seront plus liées à l’évaluation de leurs [patrons]», a confirmé la conseillèr­e municipale. Mme Goulet a dit ignorer à quel niveau se trouvaient les quotas.

En 2014, le président du syndicat, Yves Francoeur, avait affirmé aux médias que les policiers avaient des quotas fixés entre 16 à 18 contravent­ions par jour. « Selon le nombre d’employés dans un poste de police, cela équivaut entre 450 à 1500 par mois [par poste] », soutenaiti­l à ce moment.

Selon M. Francoeur, des policiers se faisaient dire certains jours de faire fi de la majorité des appels, sauf les plus urgents, pour s’attarder à la remise de contravent­ions.

Le syndicat est demeuré silencieux depuis la décision de la nouvelle administra­tion montréalai­se. «Nous avons affirmé clairement notre position sur cette question par le passé», a indiqué par courriel le porte-parole de la Fraternité, Martin Desrochers.

Revenus des constats

En dépit de la fin des quotas, Mme Goulet ne pouvait pas dire précisémen­t pourquoi la Ville anticipe davantage de revenus cette année provenant des constats d’infraction. Un porteparol­e de la Ville n’a également pas pu répondre clairement à cette interrogat­ion.

«Nous estimons, il sera hautement probable, que les revenus générés par les constats d’infraction au Code de la route et du stationnem­ent [en 2018] reviendron­t à la normale», a dit Mme Goulet.

Par «normale», Mme Goulet fait référence aux années ayant précédé le conflit sur un nouveau contrat de travail et des modificati­ons contestées sur les régimes de retraite.

En 2013, la Ville a engrangé près de 173 millions, mais cette somme avait chuté à 161 millions l’année suivante, après que le maire Denis Coderre eut annoncé vouloir réduire les contributi­ons de la Ville dans les régimes de retraite des travailleu­rs municipaux.

Les revenus liés aux contravent­ions ont continué de décliner au coeur de l’impasse dans les négociatio­ns sur un nouveau contrat de travail, atteignant un creux de 147 millions en 2016, avant de remonter à 174 millions en 2017, l’année de la signature d’une nouvelle convention entre la Ville et le corps de police comptant des augmentati­ons de salaire importante­s.

Le Service de police de la Ville de Montréal n’a pas répondu à une demande pour commenter la fin des quotas.

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