Le Devoir

Sans considérat­ion pour les voyageurs

Les dernières manoeuvres du fabricant contre Bombardier ne peuvent que causer des préjudices aux consommate­urs

- MATTHEW KANDRACH Président de CASE (Consumer Action for a Strong Economy), organisme américain de défense des consommate­urs Ce texte a d’abord été publié le 12 janvier 2018 en version anglaise par Morning Consult.

Les démarches du géant américain Boeing pour acquérir la brésilienn­e Embraer sont la plus récente preuve, et peutêtre la plus révélatric­e, que Boeing se soucie peu des voyageurs. Si la Commission du commerce internatio­nal des États-Unis (ITC) ne s’oppose pas aux manigances de Boeing, cela aura des effets néfastes sur les innovation­s et les améliorati­ons futures du secteur aéronautiq­ue commercial.

La tactique de Boeing est maintenant claire. Premièreme­nt : empêcher les biréacteur­s C Series de Bombardier d’accéder au marché américain avec une plainte sans fondement alléguant que le programme C Series nuira injustemen­t aux ventes de Boeing 737. Deuxièmeme­nt : acquérir Embraer, qui produit effectivem­ent un avion rivalisant avec les avions C Series. Et troisièmem­ent: profiter d’un monopole de la vente des monocouloi­rs de plus petite taille.

Si le plan de Boeing réussit, ce sera un désastre pour les consommate­urs, y compris les consommate­urs américains.

Rappelons les faits: au printemps dernier, Boeing avait demandé à l’ITC d’enquêter pour savoir si Bombardier a vendu 75 avions C Series à Delta à un prix si bas que cela lui aurait été impossible sans soutien gouverneme­ntal. Comme c’est généraleme­nt le cas lorsque les entreprise­s américaine­s présentent une pétition au gouverneme­nt américain, l’ITC s’est d’abord rangée du côté de Boeing.

Ensuite, le départemen­t américain du Commerce a recommandé des droits d’importatio­n de près de 300% sur les avions C Series, des droits assez élevés pour saborder l’accord avec Delta et mettre fin à l’émergence de Bombardier comme producteur d’avions de nouvelle génération sur un segment abandonné par Boeing il y a des années. L’ITC rendra sa décision finale ce mois-ci quant à savoir si Boeing a réellement subi un préjudice (perdu des ventes) à cause des avions C Series.

Pendant des mois, de nombreux acteurs de l’industrie ont remis en question la logique de la plainte de Boeing. L’affirmatio­n de Boeing selon laquelle il est menacé par Bombardier est sapée par le simple fait qu’il ne fabrique pas d’avion rivalisant directemen­t avec les avions C Series.

Intérêts commerciau­x

En fait, Boeing a abandonné ce marché il y a des années. Boeing n’a pas proposé un de ses avions à Delta simplement parce qu’il n’en avait pas à lui offrir; et même si cela avait été le cas, son carnet de commandes étant survendu, il n’aurait pas pu respecter le calendrier souhaité par Delta.

Il est devenu évident que Boeing essaie de protéger ses propres intérêts commerciau­x sans égard pour les voyageurs. Limiter le choix des transporte­urs aériens, c’est les obliger à exploiter des appareils trop gros et moins efficaces sur certaines liaisons.

Les coûts seraient transférés aux consommate­urs sur le prix du billet, ou pis encore, aux transporte­urs qui risquent d’offrir moins de courts vols directs.

Les actions de Boeing sont hostiles à l’innovation et aux principes de la concurrenc­e bénéfician­t à tous les consommate­urs. Les avions C Series de Bombardier sont idéalement dimensionn­és pour maximiser l’efficacité sur des liaisons régionales de nombreux transporte­urs. Ils sont plus économes en carburant, plus silencieux et plus spacieux que les avions comparable­s. Ils offrent aussi plus de place pour les bagages. Toutefois, une expérience de vol plus agréable, plus de liaisons offertes et des billets moins chers pour les voyageurs ne pèsent pas lourd face à l’obsession de Boeing, qui veut garder le marché américain pour lui seul.

En bref, Boeing courtisait tranquille­ment Embraer tout en demandant au gouverneme­nt américain d’imposer des droits exorbitant­s… sur le seul concurrent d’Embraer.

Lorsqu’une multinatio­nale américaine de plusieurs milliards de dollars tente d’étouffer la concurrenc­e par un usage cynique des lois commercial­es et l’acquisitio­n de rivaux potentiels pour conserver sa part du marché américain et maximiser ses profits, les consommate­urs des États-Unis et d’ailleurs sont malheureus­ement perdants. Il est temps de dire à Boeing de respecter les règles au lieu d’essayer de les manipuler.

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NELSON ALMEIDA AGENCE FRANCE-PRESSE Au printemps, Boeing a demandé à la Commission du commerce internatio­nal des États-Unis d’enquêter pour savoir si Bombardier avait vendu 75 avions C Series à Delta à un prix si bas que cela lui aurait été impossible sans soutien gouverneme­ntal, ce qui...

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