Le Devoir

« La politique est malade » de corruption

Au Pérou, ultime étape de son voyage en Amérique du Sud, le pape François a fustigé ce fléau qui gangrène la région

- CATHERINE MARCIANO à Lima

Le pape François a vivement critiqué dimanche la corruption en Amérique latine, estimant que «la politique est malade» dans sa région d’origine, notamment au Pérou, où il a achevé, par une messe géante à Lima, sa tournée entamée au Chili.

S’exprimant devant les évêques péruviens, le souverain pontife a estimé que, dans de nombreux pays latino-américains, « la politique est malade, très malade ».

En particulie­r, le pape s’est demandé: «Que se passe-t-il au Pérou? Quand quelqu’un quitte la présidence, on le met en prison. »

L’actuel président, Pedro Pablo Kuczynski, vient d’échapper à une destitutio­n pour ses liens avec le géant brésilien Odebrecht, au coeur d’un vaste scandale de corruption qui éclabousse la région. Et plusieurs ex-chefs d’État péruviens sont incarcérés ou visés par un mandat d’arrêt internatio­nal.

C’est la deuxième fois, dans sa tournée au Pérou, que le pape dénonce ce fléau, après avoir appelé vendredi à Lima à lutter contre «le virus» de «la corruption», lors d’un discours prononcé à quelques mètres seulement du président Kuczynski.

François, premier pape latino-américain de l’histoire, conclut dimanche une tournée d’une semaine dans cette région, la sixième de son pontificat, d’abord au Chili puis au Pérou.

Accueil chaleureux

La ferveur des Péruviens, qui l’ont accueilli chaleureus­ement, tranche avec l’accueil plutôt froid lors de son étape au Chili, pays secoué par la polémique sur les scandales de pédophilie.

Dans la foule assistant à l’angélus sur la place principale de la ville, Jonathan Nazario, 31 ans, se disait ainsi « très heureux»: «Aujourd’hui, c’est mon anniversai­re et ç’a été un cadeau d’être ici. »

En début d’après-midi, le pape âgé de 81 ans se dirigeait vers la base aérienne Las Palmas, au sud de Lima, traversant la capitale sous les acclamatio­ns d’une foule enthousias­te agitant drapeaux et ballons.

Il y célébrera une messe géante où sont attendues près d’un million de personnes.

Au sanctuaire du Seigneur des miracles — patron de Lima —, le pape avait prononcé plus tôt une homélie devant 500 soeurs contemplat­ives cloîtrées.

«Les ragots dans le couvent sont comme des terroriste­s: ils lancent une bombe et ils s’en vont», leur avait-il lancé, suscitant rires et réactions embarrassé­es dans l’audience, avant d’ajouter: «Soeurs terroriste­s, non, mordez-vous la langue. »

Il avait ensuite mis en garde les évêques péruviens: «Chers frères, travaillez pour l’unité, ne restez pas prisonnier­s des divisions qui fractionne­nt et limitent la vocation. »

Accueil glacial

Très attendu en début de semaine au Chili, dans le contexte de scandales d’agressions sexuelles perpétrées par des prêtres, le pape avait d’abord marqué des points en rencontran­t des victimes et en exprimant «sa honte».

Mais il a ensuite brouillé son message et choqué bon nombre de Chiliens au dernier jour de sa visite en donnant une accolade publique à Mgr Juan Barros, soupçonné d’avoir gardé sous silence les agissement­s d’un vieux prêtre pédophile défroqué par le Vatican.

«Le jour où vous m’apportez une preuve contre l’évêque Barros, je vous parlerai. Il n’y a pas une seule preuve contre lui. Tout est calomnie. C’est clair?» avait aussi lancé jeudi le pape, interpellé par des journalist­es chiliens.

Le cardinal Sean Patrick O’Malley, qui dirige une commission anti-pédophilie au sein du Vatican, a jugé «compréhens­ible » samedi que les propos du pape aient pu provoquer «une grande douleur» chez les victimes. Mais il a souligné sa grande sincérité lorsqu’il prône la tolérance zéro contre les actes pédophiles au sein de l’Église.

La polémique ne suffit pas à expliquer le faible engouement des Chiliens envers la visite papale.

Ceux-ci, marqués par la dictature d’Augusto Pinochet, sont méfiants envers toutes les formes de pouvoir, y compris celui de l’Église, explique un obser vateur.

Et ce pays, le plus critique de l’Église catholique en Amérique latine, connaît une révolution sociétale qui cadre peu avec une Église réputée conservatr­ice et quelque peu hautaine: le Chili a notamment approuvé l’avortement thérapeuti­que et les unions civiles entre personnes du même sexe.

Le temps fort du 22e voyage du pape — grand défenseur du climat et des peuples indigènes — reste sa première visite en Amazonie, à Puerto Maldonado (sud-est), face à des milliers d’indigènes péruviens, brésiliens et boliviens.

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VINCENZO PINTO AGENCE FRANCE-PRESSE Le souverain pontife salue la foule qui se presse pour le voir parcourir les rues de Lima, au Pérou, dans sa papamobile, dimanche.

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