Le Devoir

Un documentar­iste montréalai­s en première à Sundance

Matthieu Rytz présente Anote’s Ark, sur les impacts des changement­s climatique­s dans le Pacifique

- LINDA BARNARD à Park City La Presse canadienne Linda Barnard s’est rendue au festival du film de Sundance en partie grâce à Téléfilm Canada.

Matthieu Rytz, un photograph­e montréalai­s devenu réalisateu­r, espère que le lancement de son premier film au festival du film de Sundance mettra les projecteur­s sur Kiribati, un archipel situé dans l’océan Pacifique qui est menacé par les changement­s climatique­s.

Loin de vouloir faire mousser sa carrière, M. Rytz souhaite d’abord faire avancer la cause de ce petit pays avec son documentai­re Anote’s Ark, qui était présenté en première mondiale, vendredi soir, au festival de Park City, en Utah.

La république de Kiribati est menacée de se faire engloutir par l’océan ou de se faire complèteme­nt raser par les conditions météorolog­iques extrêmes en raison des changement­s climatique­s.

Assis aux côtés de celui dont le film porte le nom, l’ancien président de Kiribati Anote Tong, le réalisateu­r montréalai­s a expliqué que son documentai­re portait davantage sur la justice climatique que sur les changement­s climatique­s, alors qu’il expose les risques qui menacent un territoire entouré d’eau.

Une année plus tôt, le film An Inconvenie­nt Sequel: Truth to Power

était projeté en première mondiale à Sundance. L’ancien vice-président américain Al Gore y prédisait l’avènement de réfugiés climatique­s, forcés de quitter leur coin de pays en raison des événements météorolog­iques extrêmes.

Anote’s Ark permet d’aller au-delà des statistiqu­es pour voir la réalité de ces gens.

«Ce ne sont pas des entrevues avec des gens qui disent ce qui arrivera. C’est la vraie vie », a confié M. Rytz.

Le Montréalai­s a été interpellé par la situation à Kiribati après avoir complété un projet de photojourn­alisme pour le New York Times sur des gens qui vivent une situation semblable sur les îles Kuna Yala, près des côtes du Panama, dans les Caraïbes.

Au lieu de se concentrer sur les chiffres et les avis des scientifiq­ues, il a choisi de présenter l’histoire de M. Tong et de Sermary Tiare, une mère de six enfants qui a pu quitter Kiribati — qui a une population d’environ 100 000 habitants — pour commencer une nouvelle vie en Nouvelle-Zélande.

Des problèmes ignorés

M. Rytz, qui est aussi directeur de la photograph­ie dans le film, a suivi M. Tong pendant une période de quatre ans alors que celui-ci tentait d’attirer l’attention de la communauté internatio­nale sur les îles.

L’archipel de Kiribati est souvent ignoré parce que les gens tendent à parler seulement des glaciers qui fondent lorsqu’il est question des changement­s climatique­s, selon M. Tong.

«Beaucoup de gens manquent cela, car ils se concentren­t généraleme­nt sur l’hémisphère nord», avait déclaré l’ancien président à l’Assemblée générale des Nations unies en 2008.

«Oui, nous sympathiso­ns avec ce qui arrive aux ours polaires, mais n’oubliez pas qu’il y a beaucoup de gens dans notre partie du monde qui perdront leur maison. »

Cet ex-dirigeant à la voix douce demeure réaliste sur ce qui se passera à Kiribati. Mais les relogement­s de masse, même si elles sont effectuées dignement, sont loin d’être une solution idéale, selon lui.

Un territoire d’environ 20 kilomètres carrés a été acheté dans les îles Fiji pour un éventuel déménageme­nt, ce qui rassure les habitants, selon M. Tong. Toutefois, la culture et le lien spirituel au territoire seront perdus à jamais, souligne-t-il.

De son côté, Sermary Tiare a eu du mal à s’adapter en Nouvelle-Zélande. «Elle n’est pas la même à la fin du film», a mentionné M. Rytz.

Ce que la communauté internatio­nale fait en ce moment pour s’attaquer aux changement­s climatique­s ne changera rien pour Kiribati, prévient M. Tong.

« Mais ce que [les gens] ont besoin de faire, c’est de s’assurer qu’ils ne continuero­nt pas à causer des dommages qu’ils savent qu’ils causent. Nous devons comprendre que ce que nous faisons n’est pas soutenable. Je ne demande pas plus que cela», a-t-il déclaré.

Le documentai­re présente un discours de l’ancien président américain Barack Obama, qui, selon M. Tong, s’est excusé auprès de lui pour ne pas avoir bien prononcé le nom de son pays, qu’il a surnommé «Kiribass » devant les Nations unies.

M. Rytz dit avoir complèteme­nt exclu les perspectiv­es climatosce­ptiques de son successeur, Donald Trump.

« Nous sommes tous au courant de ces extraits de Donald Trump, et nous les détestons. Alors à la fin je me suis dit : il ne mérite pas d’avoir une seule seconde dans ce film », a-t-il précisé.

M. Tong, qui a quitté son poste après un quatrième mandat, continue d’être un ambassadeu­r pour les changement­s climatique­s, même si le nouveau gouverneme­nt à Kiribati ne l’appuie pas dans ses démarches.

«Nos gens sont intéressés de savoir ce qui leur arrivera à l’avenir. Est-ce qu’il y aura une place pour leurs enfants?» a conclu l’ancien dirigeant.

La république de Kiribati est menacée de se faire engloutir par l’océan ou de se faire complèteme­nt raser

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EYESTEEL FILMS Le réalisateu­r a expliqué que son documentai­re portait davantage sur la justice climatique que sur les changement­s climatique­s.

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