Donald Trump tempère sa position sur le libre-échange
La stratégie du Canada pourrait avoir pesé dans l’apparent assouplissement de la position de Washington
Donald Trump va-t-il assouplir sa politique commerciale ? Le président américain semble en tout cas avoir tendu une perche cette semaine à ses partenaires de l’Asie-Pacifique après les avoir brutalement éconduits il y a un an en se retirant de l’accord PTP.
«Je me joindrais au [traité de libre-échange transpacifique] PTP si nous avions un bien meilleur accord que celui que nous avons», a déclaré le président américain dans un entretien à la chaîne américaine CNBC lors du Forum économique mondial de Davos, en Suisse.
«Les déclarations [de Trump] sur le PTP représentent une réelle inflexion», constate Edward Alden, expert au Council of Foreign Relations, alors qu’il y a tout juste un an, le 23 janvier 2017, le président signait un document mettant fin à la participation des États-Unis. Il s’agissait de sa toute première décision destinée, selon lui, à sauvegarder les emplois américains menacés par le libre-échange.
Pour autant, le retrait américain n’a pas signé sa mise à mort. Cette semaine, les onze partenaires restants, qui avaient repris le flambeau en faveur de cette vaste zone commerciale, ont annoncé un nouvel accord. Sans les États-Unis. «Le nouveau PTP, qui doit être signé en mars, a dû vraiment irriter le président» américain, commente Monica De Bolle, spécialiste de la politique commerciale au Peterson Institute for International Economics, un groupe de réflexion à Washington.
D’autant qu’il a été conclu plus rapidement que prévu. Les onze partenaires — Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam — avaient bien avancé les négociations en novembre 2017, en marge du forum de l’Asie-Pacifique au Vietnam, mais il leur restait quelques différends à résoudre. «Ces pays ont clairement démontré leur volonté de combler le vide que les ÉtatsUnis semblent laisser derrière eux», ajoute Monica De Bolle.
En outre, M. Trump, qui n’a de cesse de souligner sa préférence pour les accords bilatéraux, a dû se faire une raison: le Japon ne veut pas d’un tel accord et il l’a publiquement fait savoir, observe la spécialiste, d’où «le rétropédalage» à mesure que le gouvernement Trump réalise les potentielles pertes économiques. «Il prend conscience soudainement que le monde continue bien que les États-Unis ne fassent plus partie du jeu», résume Gregory Daco, chef économiste chez Oxford Economics.
Le président américain, qui a par ailleurs imposé la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (ALENA) est aussi de plus en plus sous la forte pression du monde des affaires, qui l’exhorte à ne pas camper sur une politique protectionniste radicale. «Trump a manifestement compris ce message qui provient de personnes influentes, riches, ces personnes qu’il respecte » et qu’il a rencontrées à Davos, réagit M. Alden.
La stratégie du Canada, l’un des principaux partenaires commerciaux des États-Unis, pourrait aussi avoir pesé dans l’apparent assouplissement de la position de Washington. En effet, Ottawa a fait grand cas de son adhésion au Partenariat transpacifique cette semaine, tout en rappelant qu’il ne céderait pas aux exigences du gouvernement Trump sur le volet ALENA.
La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, n’a pas hésité à déclarer que le Canada se préparait à l’éventualité d’un retrait américain de l’ALENA, en vigueur depuis 1994. Ottawa martèle en outre que les États-Unis, dont neuf millions d’emplois dépendent du commerce et des investissements avec le Canada, auraient beaucoup à perdre s’ils quittaient l’ALENA.
Vendredi à Davos, Donald Trump a semblé avoir été sensible aux multiples mises en garde: «L’Amérique d’abord n’est pas l’Amérique seule, a-til admis. Nous sommes en faveur du libre-échange, mais il doit être juste, et il doit être réciproque. »