Brève histoire du désembrigadement
Peut-on vraiment sortir un nazi, un communiste, un islamiste de leurs doctrines extrémistes ?
Nazi un jour, nazi toujours? TV5 rediffuse lundi un documentaire intitulé Dans la tête des SS, dans lequel d’anciens soldats de l’ordre noir, maintenant quasi centenaires, évoquent les raisons de leur engagement, parlent ouvertement des crimes commis pendant la Deuxième Guerre mondiale au nom de la «religion de la race». Certains ne regrettent absolument rien et nient la Shoah.
La démonstration pointe vers ce constat imparable: la dénazification qui a servi à éradiquer le nazisme de la vie publique allemande n’a finalement pas déraciné cette idéologie des esprits des plus fervents nazis. Déradicalisation? Nein, danke!
Le conditionnement et le déconditionnement idéologique des individus obsèdent les sociétés humaines comme les institutions hégémoniques, pour le plus juste comme pour le pire. L’Église catholique a inventé la confession pour contrôler jusqu’aux pensées des fidèles. Les régimes communistes assassinent en masse les «ennemis du peuple» et au moins pire forcent leur « rééducation ».
La CIA a financé des recherches de manipulation mentale dans des dizaines d’universités (y compris McGill) dans les années d’aprèsguerre pour découvrir un moyen fiable de «laver le cerveau» des ennemis fanatisés. Un épisode de la série Manhunt : Unabomber (disponible sur Netflix) rappelle les terribles expériences de l’Université Har vard.
Le terme «déradicalisation» décrit maintenant les techniques d’inversion du processus de radicalisation des partisans du terrorisme islamiste. La chute du groupe armé État islamique et le retour à la maison conséquent de jeunes Occidentaux fanatisés partis faire le djihad rendent encore plus nécessaire l’application d’une méthode efficace de désembrigadement. Il s’agit en quelque sorte de l’équivalent humain, trop humain, du désamorçage d’une bombe ou du déminage d’un terrain…
Le succès de l’audacieuse manipulation ne semble pas plus évident que du temps du projet MK-Ultra de la CIA ou de la grande dénazification il y a 70 ans. La France a avoué l’échec de son centre de déradicalisation de Pontourny (Indre-et-Loire), ouvert à titre expérimental en septembre 2016 et fermé dès l’été suivant. Paris lancera le mois prochain un comité interministériel pour lutter contre la radicalisation impliquant le ministère de l’Éducation et les agences régionales de santé.
Québec a adopté un Plan d’action gouvernemental de lutte contre la radicalisation en 2015. Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence existe aussi depuis ce temps. Il « met en avant la prévention plutôt que la répression, l’accompagnement psychosocial plutôt que la judiciarisation ou l’exclusion sociale », selon ses documents officiels.
C’est ce centre qui vient d’embaucher à titre de consultants le jeune couple DjermaneMahdi, acquitté récemment à Montréal de terrorisme, pour fournir de l’expertise rémunérée dans certains efforts de déradicalisation. Sympathisant islamiste hier, militant déradicalisateur aujourd’hui ?