Le Devoir

Les ambitions de Polytechni­que

Accueillan­t la plus forte proportion d’étudiants étrangers au Québec, l’établissem­ent souhaite s’internatio­naliser davantage

- JEAN-FRANÇOIS VENNE

Les campus s’internatio­nalisent, et Polytechni­que mène dans ce domaine au Québec. Nommé à la tête de l’établissem­ent en janvier dernier, Philippe A. Tanguy n’a toutefois pas l’intention de se reposer sur ses lauriers. Au contraire, il souhaite internatio­naliser encore plus son université.

«La mondialisa­tion qui a transformé l’économie est en train de toucher les université­s, avance le nouveau directeur général de Polytechni­que. On voit apparaître dans des pays émergents, comme Singapour, la Corée du Sud ou le Qatar, des université­s de haut niveau, très bien financées par leur gouverneme­nt, qui les utilisent pour développer une stratégie d’économie de la connaissan­ce. Le Québec doit aussi tirer son épingle du jeu afin que les université­s créent l’économie et les emplois de demain.»

Cela passe notamment par l’attraction au Québec d’étudiants et de chercheurs talentueux de l’étranger. Près d’un tiers des étudiants au baccalauré­at et près de la moitié des étudiants aux cycles supérieurs à Polytechni­que proviennen­t de l’extérieur du Canada. Si les ressortiss­ants de certains pays y sont plus nombreux, comme la France, le Maroc ou l’Iran, pas moins de 128 pays au total y sont représenté­s. Polytechni­que se distingue au Québec à cet égard. Comment l’expliquer?

Réputation enviable

«La principale raison de notre attractivi­té est la qualité de nos professeur­s et de nos programmes», poursuit Philippe A. Tanguy. Parmi les 43 facultés d’ingénierie ou écoles canadienne­s, Polytechni­que se classe 2e pour le financemen­t des chaires de recherche du Canada, 3e pour le programme de subvention­s à la découverte et 4e pour le financemen­t du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG). Elle est la première de classe au Québec dans toutes ces catégories.

En dehors de ces chiffres, ce qui compte beaucoup pour les étudiants, c’est l’expérience qu’ils font eux-mêmes de leur séjour à Polytechni­que. « Le bouche à oreille est l’un des principaux vecteurs du recrutemen­t, admet le directeur. Les étudiants heureux de leur expérience chez nous nous recommande­nt souvent à d’autres étudiants.»

Il donne l’exemple du succès que rencontre Polytechni­que auprès des étudiants iraniens. Bien sûr, l’établissem­ent bénéficie en partie du fait que ces étudiants peuvent difficilem­ent étudier aux États-Unis. Mais ils pourraient tout aussi bien choisir l’Europe ou d’autres université­s canadienne­s. «Notre succès dans ce pays provient en bonne partie de notre excellente réputation auprès d’étudiants qui ont fait des études supérieure­s chez nous dans les années 1990 et occupent maintenant des postes dans les université­s iraniennes, comme le vice-président à la recherche de l’Université de Téhéran. »

Bien que fort utile, le bouche à oreille seul n’explique pas tout. Les efforts des équipes spécialisé­es en recrutemen­t internatio­nal comptent aussi pour beaucoup. Cette année, elles sont présentes au Brésil, en Chine, en France, en Suisse, au Maroc, en Tunisie et dans d’autres pays d’Afrique. Des efforts que Philippe A. Tanguy compte intensifie­r au cours des prochaines années, notamment en courtisant davantage les étudiants de pays non francophon­es.

Si les programmes de recherche sont gérés en toute liberté par les professeur­s euxmêmes, il pense aussi que l’attractivi­té de Polytechni­que augmentera si elle se positionne comme un chef de file dans les grands défis mondiaux, comme l’accès à l’eau potable, les énergies, l’économie circulaire, la santé ou l’alimentati­on. Les jeunes seraient très sensibles à ces questions et le démontrera­ient déjà à Polytechni­que en orientant une grande partie de leurs travaux de recherche dans une dynamique Nord-Sud. Ils sont très conscienti­sés par rapport aux besoins de développem­ent des pays émergents.

«Or, la clientèle de demain dans les écoles d’ingénierie viendra en grande partie de ces pays-là, fait remarquer le directeur général. Des pays comme l’Indonésie et une grande partie des pays africains et sudamérica­ins ont connu de forts baby-booms ces dernières années. En se positionna­nt comme une école qui travaille à trouver des solutions aux enjeux de développem­ent de ces pays, Polytechni­que n’en deviendra que plus attrayante. »

Voie à deux sens

Par ailleurs, la mobilité internatio­nale ne doit pas être à sens unique. Polytechni­que tient aussi à ce que ses étudiants puissent aller s’ouvrir l’esprit et parfaire leurs connaissan­ces dans des contrées éloignées.

«La clé de la mobilité internatio­nale de nos étudiants, ce sont les nombreuses ententes que Polytechni­que signe avec des université­s ou des entreprise­s étrangères, et nous en avons un très grand nombre», indique Philippe A. Tanguy.

Effectivem­ent, plusieurs options s’offrent aux étudiants de l’établissem­ent qui ont envie d’aller voir ailleurs. Polytechni­que a des ententes de double diplôme avec les plus grandes écoles d’ingénierie européenne, et le nombre d’étudiants québécois qui y participen­t a triplé au cours des cinq dernières années.

Environ 140 étudiants par année font un séjour d’un ou deux trimestres à l’étranger dans le cadre de l’une des 250 ententes d’échange que Polytechni­que a signées dans une trentaine de pays. Les étudiants ont aussi accès à 200 stages rémunérés à l’internatio­nal par année dans de grandes entreprise­s comme Microsoft, Google, Thales ou Honda, sur tous les continents. Près d’un quart de ces stages sont pour les étudiants aux cycles supérieurs.

Ces derniers ont d’ailleurs reçu une bonne nouvelle en 2016. Polytechni­que est devenue la première université nord-américaine à intégrer le réseau Top Industrial Managers for Europe (TIME), lequel regroupe une cinquantai­ne d’université­s offrant une formation de génie et de «master». Les étudiants peuvent ainsi suivre une formation pendant deux ans à l’étranger, à l’issue de laquelle ils obtiennent un diplôme de leur université d’accueil et un autre de Polytechni­que Montréal. Sans compter les bourses Prestiges, lesquelles ouvrent la porte à des stages de recherche dans des université­s américaine­s aussi prestigieu­ses que Harvard, MIT ou Stanford.

En plus de ses projets pour internatio­naliser de plus en plus Polytechni­que, le directeur général oeuvre avec la communauté de l’université au plan stratégiqu­e 2023, lequel mènera l’établissem­ent fondée en 1873 à son 150e anniversai­re. « Il s’agit de coconstrui­re la vision du positionne­ment de Polytechni­que dans les prochaines années, un chantier imposant mais stimulant», conclut Philippe A. Tanguy.

 ?? ÉCOLE POLYTECHNI­QUE ?? Près d’un tiers des étudiants au baccalauré­at et près de la moitié des étudiants aux cycles supérieurs à Polytechni­que proviennen­t de l’extérieur du Canada.
ÉCOLE POLYTECHNI­QUE Près d’un tiers des étudiants au baccalauré­at et près de la moitié des étudiants aux cycles supérieurs à Polytechni­que proviennen­t de l’extérieur du Canada.

Newspapers in French

Newspapers from Canada