Marcos Mauro, danser, aujourd’hui, sous Titien
Le chorégraphe catalan jette son regard contemporain sur l’art et le corps, des humanistes à nos jours
La façon dont je me tiens face au monde est aussi la façon dont je me tiens devant mon art MARCOS MAURO
Marcos Mauro, chorégraphe catalan de l’heure, n’a pratiquement jamais dansé, sinon loin du regard des autres. Venu des beaux-arts, l’homme a tout de même étudié la chorégraphie, s’alliant en 2005 des danseurs et artistes de sa génération — «je suis vraiment un millénial » —, développant avec eux un vocabulaire, une codification propre, inspirée de la cartographie. En quelques années, les spectacles de sa compagnie, La Véronal, se sont hissés sur plusieurs scènes contemporaines importantes d’Occident. Danse Danse invite cette compagnie pour la première fois à Montréal, avec Siena (Sienne, comme la ville toscane), une oeuvre qui questionne la vision du corps et de l’art, entre la Renaissance et aujourd’hui.
Dix danseurs en uniforme étrange — équipe sportive? tenue d’escrime? — composent et décomposent gestes et groupes sous le regard alangui d’une large, très large reproduction de La Vénus d’Urbin, du Titien, une huile achevée en 1538. « Je me souviens que, pendant mes études en arts, j’étais très curieux de la Renaissance, de toute cette période», explique Marcos Mauro en entrevue téléphonique, en anglais, alors que Le Devoir l’attrape à la veille de son voyage vers le Canada. «À cause de l’humanisme, ce mouvement, qui m’est très important; à cause des peintures de cette époque, où les corps deviennent vraiment un sujet de plus grande importance. » Ce qui est logique, poursuitil, en cette ère où l’on pose l’humain au centre du monde, là où on voyait auparavant Dieu.
«Où est l’humain, maintenant, de nos jours? s’interroge Mauro. J’ai voulu tenter un voyage, de la Renaissance à aujourd’hui, en utilisant l’art, l’histoire de l’art, le sport, le corps — le corps comme boîte, comme contenant, le corps à travers ces siècleslà… pour aboutir à Siena.»
Un voyage dans le temps, mais toujours lié au présent. «Je pense que l’art d’aujourd’hui doit parler des problèmes d’aujourd’hui, dans le langage d’aujourd’hui. La façon dont je me tiens face au monde est aussi la façon dont je me tiens devant mon art. J’utilise la danse, l’image, la musique, tout; mais je suis un millénial, un gars du XXIe siècle. C’est peut-être pourquoi mes formes, mes couleurs, mes relations avec les danseurs, les relations des danseurs entre eux sont très froides. On se retrouve devant une oeuvre chaleureuse par sa plasticité, par une certaine beauté; mais les formes, le cadre sont très froids,