Julie Boulet, la survivante. La chronique de Michel David.
La ministre du Tourisme, Julie Boulet, est une sorte de survivante, dont la longévité politique ne cesse d’étonner. Même dans un parti aussi élastique sur les questions d’éthique que le PLQ, sa résilience constitue une sorte d’exploit.
À peine un mois après avoir été nommée ministre déléguée à la Santé, en 2003, la députée de Laviolette avait dû démissionner parce que la pharmacie dont elle était toujours copropriétaire avait accepté des cadeaux d’une compagnie pharmaceutique.
Cela contrevenait à la Loi sur l’assurance maladie, dont elle était responsable, puisque ces piluliers offerts gratuitement par les fabricants permettaient aux pharmaciens de doubler les honoraires qu’ils touchaient sur les ordonnances en les réclamant sur une base hebdomadaire plutôt que mensuelle.
Bon prince, Jean Charest l’avait réintégrée dans son cabinet trois mois et demi plus tard, cette fois à titre de ministre déléguée aux Transports. On avait alors découvert qu’elle avait aussi loué gratuitement des locaux attenants à sa pharmacie à une clinique, en contravention avec le code de déontologie de l’Ordre des pharmaciens. Le premier ministre avait cependant jugé la faute suffisamment bénigne pour passer l’éponge.
En 2005, le PQ avait tenté de l’associer au scandale des commandites au moyen d’un mystérieux « fonds numéro 2 » de 33 374$, dont elle avait bénéficié lors de sa tentative d’être élue dans la circonscription fédérale de Champlain en 2000. Mme Boulet avait affirmé n’avoir aucune idée de sa provenance.
M. Charest lui en avait si peu voulu qu’après l’élection de mars 2007, il l’avait nommée ministre des Transports en titre. C’est cette promotion qui lui avait valu de comparaître devant la commission Charbonneau, où son témoignage avait été sidérant.
Ses ex-collègues avaient été les premiers surpris de l’entendre dire qu’elle ignorait que tous les membres du Conseil des ministres de l’époque avaient l’obligation de faire entrer au moins 100 000$ dans la caisse électorale du PLQ, d’autant plus que le ministère des Transports est de loin celui qui accorde le plus de contrats.
Jamais elle n’avait fait de sollicitation, avait-elle assuré. Certes, elle savait que de nombreux représentants d’entreprises bénéficiaires de ces contrats fréquentaient ses cocktails de financement, mais elle disait croire qu’ils le faisaient « à titre personnel». Le président d’une de ces entreprises avait néanmoins déclaré devant la commission Charbonneau que la ministre lui avait dit être «très, très, très déçue » de son absence à un de ces cocktails.
Son apparente ignorance de ce qui se passait autour d’elle ne cessait d’étonner. Quand le vérificateur général avait blâmé le ministère des Transports pour avoir contourné les règles afin d’avantager l’entreprise d’asphaltage appartenant à son collègue du Travail, David Whissell, Mme Boulet avait encore soutenu n’être au courant de rien.
Vu ces antécédents, personne n’avait été surpris que Philippe Couillard l’ignore lors de la formation de son propre cabinet au printemps 2014. S’il voulait marquer une rupture avec l’ère Charest, cela semblait s’imposer.
Moins de deux ans plus tard, Mme Boulet effectuait pourtant un retour au gouvernement à titre de ministre du Tourisme, également responsable de la région de la Mauricie.
Lors du dernier redécoupage de la carte électorale, la circonscription de Laviolette a été fusionnée à celle de Saint-Maurice, qui est représentée depuis 2014 par un autre député libéral, Pierre Giguère, qui y avait défendu les couleurs de la CAQ en 2012 et terminé deuxième derrière le péquiste Luc Trudel.
Depuis un an, M. Giguère a fait des pieds et des mains pour obtenir l’investiture dans la nouvelle circonscription de Laviolette–SaintMaurice, dont une majorité d’électeurs résident sur le territoire actuel de Saint-Maurice.
Les choses ont tourné au vinaigre en juin dernier, quand ses partisans ont lancé une offensive pour évincer Mme Boulet, qui y a vu un manque de respect et fait valoir ses droits d’aînesse pour être à nouveau sur les rangs.
Le premier ministre Couillard a tranché la semaine dernière. Afin d’éviter une assemblée d’investiture qui s’annonçait déchirante, il s’est prévalu de sa prérogative de chef pour imposer la candidature de sa ministre, dont la notoriété est nettement plus grande. Son malheureux rival n’a pas caché sa déception, et son ralliement semblait douteux.
Mme Boulet a gagné six élections consécutives, mais elle risque fort de ne pas survivre à la prochaine. L’ensemble de la Mauricie est dans la mire de la CAQ, et les récents sondages laissent prévoir un véritable balayage.
Rien n’y personne ne semble avoir raison de Julie Boulet. Mais en octobre prochain, les électeurs pourraient bien lui préférer un caquiste.