Le Devoir

Les conservate­urs scruteront davantage leurs candidats

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le Parti conservate­ur modifie le processus d’approbatio­n de ses candidats électoraux, afin d’éviter qu’une autre affaire Rick Dykstra ne se répète. Les aspirants candidats de l’équipe d’Andrew Scheer se feront désormais demander s’ils ont déjà été accusés de «comporteme­nt sexuel inappropri­é ».

Dans la foulée des révélation­s sur l’ancien député fédéral Dykstra la semaine dernière, le Parti conservate­ur a bonifié le questionna­ire auquel il soumet tous ses futurs candidats pour vérifier leurs antécédent­s. La question sur une accusation antérieure de gestes inappropri­és à caractère sexuel s’ajoute maintenant à celles qui leur étaient déjà posées, à savoir s’ils ont fait l’objet d’une enquête pour acte répréhensi­ble — même s’ils en ont été exonérés — ou d’une enquête policière — même s’ils n’ont fait l’objet d’aucune accusation.

La nouvelle version du formulaire du parti est immédiatem­ent en vigueur et sera celle utilisée dès la prochaine élection partielle, a indiqué le porteparol­e du PCC Cory Hann.

Le chef Andrew Scheer annonçait la semaine dernière la tenue d’une enquête indépendan­te sur les circonstan­ces qui ont permis à Rick Dykstra de porter les couleurs du Parti conservate­ur en 2015, bien qu’il ait fait l’objet d’une plainte à la police pour agression sexuelle en 2014 lorsqu’il était encore député fédéral.

L’enquête n’a pas encore été officielle­ment lancée, car le parti cherche à qui la confier, a précisé M. Hann.

«

Certes, avec le recul et des informatio­ns supplément­aires, Rick Dykstra aurait dû être renvoyé comme candidat Ray Novak, ancien chef de cabinet de Stephen Harper

Une ancienne employée parlementa­ire a accusé M. Dykstra de l’avoir rejointe dans un taxi au terme d’une soirée arrosée, d’avoir insisté pour qu’elle l’accompagne chez lui et de l’avoir alors forcée à lui faire une fellation. M. Dykstra nie ces allégation­s.

Au parlement lundi, les élus conservate­urs ont tour à tour refusé de commenter le dossier et les aveux de Stephen Harper, qui a admis cette fin de semaine qu’il avait été avisé des allégation­s portées contre son député sortant et qu’il avait accepté qu’il demeure candidat néanmoins.

«Pour ce qui est du passé, laissons-le au passé », a tranché Sylvie Boucher, à l’instar de tous ses collègues intercepté­s sur la colline parlementa­ire lundi.

Stephen Harper savait

Deux membres influents de la campagne conservatr­ice de 2015 ont défendu publiqueme­nt cette fin de semaine leur décision de ne pas écarter Rick Dykstra comme candidat.

Stephen Harper a lui aussi justifié sa décision. «Ma compréhens­ion était que l’affaire avait fait l’objet d’une enquête policière et que celle-ci avait été fermée un an plus tôt. Compte tenu de ma compréhens­ion de la situation, je n’estimais pas que cela pouvait justifier de l’écarter comme candidat», a-t-il fait valoir Twitter.

«Récemment, beaucoup plus d’informatio­ns ont été mises au jour, y compris des informatio­ns voulant que l’enquête de départ n’ait peut-être pas été complétée. À mon avis, il est essentiel que des allégation­s criminelle­s, y compris celles-ci, fassent l’objet d’une enquête exhaustive et de poursuites judiciaire­s si nécessaire.»

L’ancien chef de cabinet de M. Harper, Ray Novak, a quant à lui argué que l’affaire n’avait « pas été prise à la légère ».

« Ce fut une décision extrêmemen­t difficile qui, au final, reposait sur la question de savoir si une enquête fermée sans accusation était un motif suffisant pour un licencieme­nt. Certes, avec le recul et des informatio­ns supplément­aires, Rick Dykstra aurait dû être renvoyé comme candidat. Mais les campagnes n’ont pas de deuxième chance. »

Tensions dans la campagne

Au moment même où les deux hommes publiaient leurs communiqué­s, vendredi, le magazine Maclean’s relatait un échange de courriels entre Ray Novak, le président de la campagne conservatr­ice Guy Giorno et la directrice de la campagne Jenni Byrne.

Cette dernière s’étonnait que ses collègues s’inquiètent d’un candidat dans l’embarras, alors qu’ils étaient «au courant qu’un de [nos] députés est un… » — Maclean’s n’a pas retranscri­t le terme utilisé par Mme Byrne, qui faisait référence aux allégation­s d’agression sexuelle contre Rick Dykstra qui n’ont pas fait l’objet d’accusation­s.

Ray Novak a rétorqué que, « en tenant pour acquis que l’échange finirait probableme­nt par être rendu public» en marge d’une enquête policière, il n’avait « pas connaissan­ce » des événements.

« Je suis au courant d’allégation­s. Je n’ai jamais rencontré la victime.» Guy Giorno a renchéri en affirmant que lui non plus n’avait « aucune preuve ».

La réplique de Jenni Byrne était succincte mais assassine. «Super, vous êtes légalement protégés. Ça arrange tout. Dormez sur vos deux oreilles. »

Plusieurs candidats écartés

Au fil de la campagne électorale, les conservate­urs ont remercié au moins cinq candidats pour diverses raisons.

L’un d’eux, Jerry Bance — l’objet du premier échange entre Jenni Byrne et ses collègues —, a été écarté après qu’une vidéo l’eut montré urinant dans une tasse dans la cuisine de clients chez qui il travaillai­t comme réparateur d’électromén­agers.

D’autres ont vu leur candidatur­e rejetée en raison de commentair­es sur les médias sociaux contre les homosexuel­s ou contre l’avortement. Un candidat montréalai­s avait été exclu après avoir appuyé Thomas Mulcair sur Facebook.

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NATHAN DENETTE LA PRESSE CANADIENNE Rick Dykstra a fait l’objet d’une plainte à la police pour agression sexuelle en 2014 lorsqu’il était encore député fédéral.

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