Le Devoir

Jagmeet Singh aux prises avec sa frange radicale

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Jagmeet Singh vient tout juste de prendre la tête du NPD que, déjà, il se fait demander par sa frange la plus radicale de donner un coup de barre. Le caucus socialiste du NPD proposera la nationalis­ation des grandes industries, la hausse du salaire minimum à 20$ l’heure ou encore le boycottage d’Israël.

«Lorsque le NPD formait l’opposition officielle à la Chambre des communes, nous blaguions [en disant] que nous étions l’opposition officielle à l’opposition officielle», lance Julian Arscott, un des membres de l’exécutif du caucus socialiste du NPD.

Ce groupe n’a pas de statut officiel au sein de la formation, mais il compte, selon M. Arscott, des milliers de sympathisa­nts qui s’investisse­nt dans toutes les instances du NPD pour en infléchir les orientatio­ns.

Lors du congrès bisannuel du NPD s’ouvrant la semaine prochaine à Ottawa, le caucus socialiste pilotera des résolution­s qui ne passeront pas inaperçues. Ce groupe demande par exemple au NPD d’appuyer la campagne de boycottage, de désinvesti­ssement et de sanctions contre Israël à cause de son traitement des Palestinie­ns. Cette campagne, très populaire sur certains campus, est très décriée et parfois même assimilée à de l’antisémiti­sme.

Nationalis­ation et clarté référendai­re

Le caucus socialiste propose aussi de nationalis­er l’industrie automobile, les entreprise­s de télécommun­ications ainsi que les cinq grandes banques canadienne­s et leur filière respective spécialisé­e en assurances. Il demande au NPD de s’engager à abolir la Loi sur la clarté référendai­re.

Enfin, le caucus socialiste tentera de faire débattre une résolution qui forcerait le chef à appuyer les politiques votées au congrès, à défaut de quoi il pourrait être démis de ses fonctions.

M. Arscott plaide que, chaque fois que le NPD s’est positionné au centre de l’échiquier politique, il s’est cassé les dents à l’élection. Le succès passe à son avis par un virage à gauche. Or, déplore-t-il, le nouveau chef ne semble pas partager cette vision, d’où le besoin de tenir ces débats au congrès.

«Jagmeet Singh n’était pas un candidat de la gauche, il était un candidat de la droite. C’est pour cela que nous avions appuyé Niki Ashton [dans la course au leadership] », continue M. Arscott. Selon lui, Jagmeet Singh a été «plutôt vague et un peu opportunis­te» en ne disant pas tout à fait ce qu’il défendait.

Le président du caucus socialiste, Barry Weisleder, tient le même discours. «Jagmeet Singh a mené une campagne de caméléon: il a changé de couleur selon l’environnem­ent où il se trouvait. »

M. Weisleder déplore la propension du nouveau chef à miser sur l’image. «Un parti qui aspire à changer le système ne peut pas faire concurrenc­e au Parti libéral sur ce plan-là. Les gens ne vont pas voter pour le NPD parce que notre chef est plus glamour que celui des libéraux ! »

M. Weisleder avait mené en 2016 la campagne pour montrer la porte à Thomas Mulcair, justement considéré comme trop centriste. Il avait remporté son pari, M. Mulcair étant le premier chef de l’histoire du NPD à se faire montrer la porte par les militants. Toutefois, M. Weisleder s’était présenté à la présidence du parti et n’avait récolté qu’environ 10% du vote.

Les résolution­s du caucus socialiste approuvées par les instances locales du NPD seront acheminées au congrès où les militants, lors de séances tenues à huis clos, les priorisero­nt. Seules celles placées tout en haut de la liste auront la chance d’être débattues en plénière. Le NPD n’a toujours pas rendu public le cahier complet de résolution­s.

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