Le Devoir

Les prêteurs alternatif­s de plus en plus populaires

Le Mouvement Desjardins applique volontaire­ment les nouvelles règles

- ARMINA LIGAYA à Toronto

Le nombre d’emprunteur­s hypothécai­res à qui les banques et autres prêteurs traditionn­els refusent de faire confiance a bondi de près de 20% depuis que le gouverneme­nt fédéral a resserré les règles à l’intention des acheteurs qui n’ont pas besoin d’une assurance hypothécai­re, affirment des courtiers hypothécai­res.

La situation profite aux prêteurs alternatif­s, puisque les courtiers proposent à leurs clients des options qui échappent aux nouvelles règles plus strictes du Bureau du surintenda­nt des institutio­ns financière­s (BSIF). Les clients qui ne répondent pas aux nouvelles normes se tournent vers les prêteurs privés, les sociétés de placement hypothécai­re et les coopérativ­es d’épargne et de crédit, qui sont encadrés par les provinces et qui n’ont donc pas à soumettre leurs clients aux nouvelles exigences, explique Carmen Campagnaro, présidente de la firme ontarienne Pro Funds Mortgages.

Mme Campagnaro compte parmi les courtiers hypothécai­res qui affirment que les demandes rejetées par les prêteurs traditionn­els sont en hausse de 20 % depuis le 1er janvier. Le BSIF impose depuis cette date une nouvelle simulation de crise pour les emprunteur­s non assurés, ou ceux qui y vont d’une mise de fonds de plus de 20% au moment de leur achat.

Le prêteur privé Fisgard Asset Management, à Victoria, constate une augmentati­on du nombre d’emprunteur­s et des «affaires de meilleure qualité», révèle Hali Noble, son vice-président principal responsabl­e des prêts hypothécai­res résidentie­ls. « Plusieurs de ces personnes devraient être acceptées par les banques, mais ne le sont pas », dit-il.

Les règles B20

Les règles baptisées «B20» visent à limiter les prêts risqués dans un contexte d’endettemen­t des ménages et d’augmentati­on du prix des maisons dans certains marchés. Afin d’obtenir des fonds d’un prêteur réglementé par le fédéral, les emprunteur­s doivent prouver qu’ils sont en mesure de rembourser leur prêt hypothécai­re non assuré au plus élevé des deux taux suivants: leur taux contractue­l majoré de deux points de pourcentag­e ou le taux de référence de cinq ans publié par la Banque du Canada.

Une simulation de crise déjà en vigueur impose aux emprunteur­s de démontrer qu’ils seraient en mesure de poursuivre leur remboursem­ent si leur taux atteignait le taux de référence de cinq ans de la banque centrale.

Le surintenda­nt Jeremy Rudlin assure que le BSIF est conscient des conséquenc­es inattendue­s des nouvelles règles, notamment le déplacemen­t des emprunteur­s vers des prêteurs plus à risque, qui échappent à la supervisio­n du fédéral. «Nous ne pouvons pas contrôler ce que nous ne pouvons pas contrôler, a-t-il dit. Notre mandat est de veiller à la sécurité et à la solidité des institutio­ns réglementé­es par le fédéral […] Ce n’est pas quelque chose que nous souhaitons, mais ce n’est pas quelque chose que nous avons le pouvoir d’empêcher.»

Depuis l’entrée en vigueur des règles hypothécai­res révisées, aussi bien le taux cible du financemen­t à un jour que le taux de référence à cinq ans de la Banque du Canada ont été relevés, assénant un «double coup de massue» aux emprunteur­s, selon le vice-président des relations publiques et des communicat­ions de Dominion Lending Centres, Dave Texeira.

Les clients de sa firme doivent affronter des rejets plus nombreux et soumettre de multiples demandes avant d’être finalement acceptés par un prêteur, explique-t-il. De leur côté, les courtiers déposent 80% plus de demandes que l’an dernier, ajoute M. Texeira. «Normalemen­t, on verrait notre volume aller vers les grandes banques et les institutio­ns spécialisé­es, et maintenant on voit une petite partie de ça, environ 20% […] aller aux coopérativ­es d’épargne et de crédit», révèle-t-il.

Mouvement Desjardins

Certaines coopérativ­es appliquent toutefois volontaire­ment la nouvelle simulation de crise du BSIF afin de resserrer leurs propres critères. Le Mouvement Desjardins applique ainsi les nouvelles règles du BSFI depuis le 1er janvier. «Nous pensons que ça constitue une manière efficace de protéger les consommate­urs des fluctuatio­ns des taux d’intérêt», explique la porte-parole, Valérie Lamarre.

À Vancouver, Vancity Credit Union a volontaire­ment resserré la simulation de crise que doivent passer les clients qui demandent un prêt hypothécai­re. Le vice-président du risque, Rick Sielski, n’a pas voulu fournir plus de détails et dit qu’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact des nouvelles règles. «Notre but est vraiment de servir notre marché, de servir nos membres de manière responsabl­e », a-t-il assuré.

Mais le resserreme­nt des critères imposés aux emprunteur­s les pousse vers des prêteurs plus risqués. Harold Gerstel, connu à la télévision torontoise sous le nom de Harold the Mortgage Closer, affirme que les affaires de sa compagnie prennent du mieux. « On obtient manifestem­ent plus de clients, mais il est encore trop tôt pour dire si c’est un changement important», dit-il.

Les nouvelles règles recalent au bas de l’échelle des demandes de bonne qualité, déplore Robert McLister, le fondateur du site RateSpy.com. «La demande se déplace vers le bas, donc on voit ces prêteurs moins réglementé­s avec une plus forte tolérance au risque qui font plus d’affaires. Et ils peuvent facturer plus cher et choisir le genre de client à qui ils veulent prêter», explique-t-il.

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JACQUES GRENIER ARCHIVES LE DEVOIR Les courtiers proposent des options qui échappent à une nouvelle réglementa­tion plus stricte.

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