Le Devoir

Société d’accueil

Avec Dis merci, la compagnie Joe Jack et John fête ses 15 ans de fort belle manière

- CHRISTIAN SAINT-PIERRE Collaborat­eur

DIS MERCI Texte : collectif, avec la collaborat­ion de Pénélope Bourque. Mise en scène : Catherine Bourgeois. Une production de Joe Jack et John. À Espace Libre jusqu’au 10 février.

Quinze ans déjà que Catherine Bourgeois crée dans la plus grande autonomie des spectacles qui abordent de manière ludique, pour ne pas dire festive, de criants enjeux de société. Sous la bannière de sa compagnie, Joe Jack et John, la metteuse en scène a édifié un répertoire fort cohérent, une dizaine d’oeuvres qui jettent des ponts entre les discipline­s aussi certaineme­nt qu’entre les communauté­s. Sa nouvelle pièce, Dis merci, ne fait pas exception.

Pour en faire le coeur de son théâtre, Bourgeois n’a pas attendu que la diversité et l’inclusion soient des concepts à la mode. Ainsi, sa plus récente création, comme les précédente­s, met en scène des personnage­s joyeusemen­t contrastés, un microcosme d’individus dont les différence­s sont matières à quelques conflits, bien entendu, mais également, ou plutôt surtout, à de fertiles échanges. Les protagonis­tes de Dis merci résident dans le même immeuble. Armé de ballons, de guirlandes et de gâteaux, le quatuor de voisins s’apprête à accueillir chaleureus­ement une famille de réfugiés syriens.

Large éventail

Vivant avec une déficience intellectu­elle, Marc (Marc Barakat) est d’origine égyptienne. Anglophone, EmmaKate (Emma-Kate Guimond) habite à Montréal depuis 12 ans. Venu du Congo, Ally (Ally Ntumba) a fui un conflit qui dure depuis une vingtaine d’années. Quant à Dan (Dany Boudreault), il se définit comme «Caucasien». En une suite de tableaux parlés ou dansés, cocasses ou grinçants, concrets ou métaphoriq­ues, légers ou cinglants, la représenta­tion explore efficaceme­nt, sans jamais faire de sermon, les dédales du vivre ensemble.

L’arrivée des réfugiés syriens, Catherine Bourgeois s’en sert comme d’un prétexte, comme d’un révélateur des nombreuses contradict­ions de la société québécoise actuelle. On réfléchit sur le sens de mots épineux, comme «étranger», «identité» ou «culture». Une série de conseils aux nouveaux arrivants engendre des scènes à la fois désopilant­es et critiques: «Prends ta place», «Fonds-toi dans le décor», «Rentre dans le rang», «Obéis»…

On se dispute pour tout et pour rien. Pour un joli ballon, un confortabl­e La-z-Boy électrique ou une alléchante part de gâteau, on s’engage dans des jeux de pouvoir aussi vains que cruels. Toutes les occasions sont bonnes pour rappeler à l’autre qu’on est plus fort, plus grand, plus digne, plus légitime. Même quand on donne, c’est pour mieux reprendre.

Avec son rythme soutenu, son savant mélange de registres, singulière conjugaiso­n de douce folie et d’observatio­n sociale, sans oublier la considérab­le vigueur des quatre interprète­s, le spectacle est l’un des plus réussis de la compagnie, sans nul doute le plus riche et équilibré d’un point de vue dramaturgi­que. Gageons que l’apport de Pénélope Bourque, auteure, et de Sara Fauteux, conseillèr­e à la dramaturgi­e, y est pour quelque chose.

 ?? FRÉDÉRIQUE MÉNARD AUBIN ?? Avec son rythme soutenu, son savant mélange de registres, singulière conjugaiso­n de douce folie et d’observatio­n sociale, sans oublier la considérab­le vigueur des quatre interprète­s, est l’un des spectacles les plus réussis de la compagnie.
FRÉDÉRIQUE MÉNARD AUBIN Avec son rythme soutenu, son savant mélange de registres, singulière conjugaiso­n de douce folie et d’observatio­n sociale, sans oublier la considérab­le vigueur des quatre interprète­s, est l’un des spectacles les plus réussis de la compagnie.

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