Le Devoir

Découverte d’une nouvelle classe d’antibiotiq­ues prometteur­s

Les malacidine­s ont fait leurs preuves contre des pathogènes résistants aux antibiotiq­ues utilisés en clinique

- PAULINE GRAVEL

Une nouvelle classe d’antibiotiq­ues capables d’anéantir plusieurs bactéries résistante­s aux antibiotiq­ues courants, dont le redoutable SARM, vient d’être mise au jour dans des échantillo­ns de sol. Cette découverte, qui fait l’objet d’un article dans Nature Microbiolo­gy, représente une nouvelle arme permettant de faire face au problème croissant des infections résistante­s aux antibiotiq­ues.

Selon François Malouin, chercheur au Centre d’étude et de valorisati­on de la diversité microbienn­e (CEVDM) de l’Université de Sherbrooke, la véritable découverte est toutefois l’originalit­é de l’approche qu’ont utilisée les chercheurs pour trouver cette nouvelle classe d’antibiotiq­ues.

«Les antibiotiq­ues courants proviennen­t majoritair­ement du sol, plus précisémen­t des bactéries et des champignon­s qui produisent des antibiotiq­ues pour se défendre et limiter la croissance des autres bactéries et champignon­s présents dans le sol afin de mieux profiter des ressources environnan­tes», souligne le professeur Malouin. Il ajoute que le sol regorge encore d’antibiotiq­ues potentiell­ement utiles, mais qui ne sont pas encore connus, car «on ne parvient pas à cultiver en laboratoir­e une grande partie des bactéries du sol parce qu’elles dépendent les unes des autres et qu’elles ont besoin de nutriments spécifique­s qu’on ne connaît pas ».

Pour contourner ce problème, les chercheurs de la Rockefelle­r University de New York et de la Rutgers University de Newark au New Jersey ont isolé de près de 2000 échantillo­ns de sol prélevés à travers les États-Unis des fragments d’ADN appartenan­t à des micro-organismes producteur­s d’antibiotiq­ues. Ils ont ensuite séquencé ces fragments et cherché au sein de ces séquences des motifs que possèdent habituelle­ment les gènes responsabl­es de la synthèse d’antibiotiq­ues. Ils se sont concentrés sur des motifs particulie­rs qui ne s’expriment qu’en présence de calcium, «ce qui représenta­it une souscatégo­rie de gènes de synthèse d’antibiotiq­ues qui est utile en clinique et qui est très rare », explique M. Malouin.

Ils ont ensuite produit des copies de ces séquences d’ADN particuliè­res et les ont introduite­s dans des bactéries que l’on peut cultiver en laboratoir­e. Ces bactéries ont alors produit des antibiotiq­ues qu’ils ont recueillis et dont ils ont vérifié l’aptitude à tuer des bactéries délétères qui étaient devenues résistante­s aux antibiotiq­ues courants.

Puissante activité antibactér­ienne

Ces antibiotiq­ues, qu’ils ont nommés malacidine­s (metagenomi­c acidic lipopeptid­e antibiotic-cidins), ont alors démontré une puissante activité antibactér­ienne contre des pathogènes résistants aux antibiotiq­ues utilisés en clinique, y compris l’antibiotiq­ue de dernier recours vancomycin­e. Ils parvenaien­t même à éliminer définitive­ment le fameux Staphyloco­ccus Aureus résistant à la méthicilli­ne (SARM) présent dans des blessures cutanées chez l’animal.

Les chercheurs ont également exposé la souche Staphyloco­ccus Aureus à des malacidine­s pendant 20 jours d’affilée sans que cette dernière développe de résistance. «C’est là un signe qu’il sera plus difficile de développer une résistance à ces antibiotiq­ues», affirme M. Malouin.

Les chercheurs américains se sont aussi rendu compte que les malacidine­s n’agissaient pas exactement de la même façon que deux autres antibiotiq­ues (la daptomycin­e et la friulimici­ne) ayant eux aussi besoin de calcium pour agir. Ils ont identifié la cible exacte que visent ces nouveaux antibiotiq­ues, soit le peptidogly­cane, un composé qui contribue à la rigidité de la paroi des bactéries. Selon M. Malouin, les malacidine­s visent une bonne cible, soit la synthèse de la paroi des bactéries, et par un nouveau mécanisme, ce qui représente un autre bon point.

Ce n’est toutefois pas demain que les malacidine­s pourront être utilisés en clinique. «Il faudra les purifier, les transforme­r en composés utilisable­s chez l’humain, puis vérifier s’ils sont toxiques et voir comment ils se comportent dans le corps humain et comment ils sont excrétés. Tout cela peut prendre de cinq à dix ans», souligne M. Malouin.

Et il ne faut pas oublier que, malheureus­ement, des bactéries réussiront sûrement à développer une résistance contre ces antibiotiq­ues. Les bactéries mettront peut-être plus de temps à y arriver, mais elles y parviendro­nt inévitable­ment un jour.

Mais cette étude a toutefois le mérite d’avoir mis au point une nouvelle méthode — génomique —, qui devrait faciliter la découverte de nouveaux antibiotiq­ues présents dans la nature et vivifiera ainsi notre combat contre la résistance aux antibiotiq­ues.

Il faudra les purifier, les transforme­r en composés utilisable­s chez l’humain, puis vérifier s’ils sont toxiques et voir comment ils se comportent dans le corps humain et comment ils sont excrétés. Tout cela peut prendre de cinq à dix ans.

François Malouin

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