L’inégalité entre hommes et femmes se vit jusque dans les refuges
Après
des années à garder un profil bas, Le Chaînon et le Pavillon Patricia Mackenzie crient aujourd’hui à l’injustice. Les deux institutions incontournables dans l’aide aux femmes en difficulté de Montréal reprochent à l’État québécois de leur allouer des sommes nettement inférieures à celles octroyées aux refuges pour hommes itinérants.
« Chaque grand refuge reçoit l’équivalent d’à peu près 50 dollars par jour, par personne. Nous recevons 7 dollars », dit sans ambages la directrice des ser vices aux femmes à la Mission Old Brewery, Florence Portes.
« On n’est pas financé par le gouvernement à la hauteur de nos besoins. C’est inéquitable par rapport aux maisons pour hommes » , poursuit la directrice générale du Chaînon, Marcèle Lamarche.
Les deux organismes qui accueillent chaque nuit sous leur toit des dizaines de femmes en difficulté, dont des femmes en situation d’itinérance, carburent aux collectes de fonds. En ef fet, plus ou moins 90 % de leurs revenus proviennent de donateurs.
Le Chaînon mise gros sur les recettes de son magasin, où des bénévoles vendent à prix abordable des vêtements, des meubles et des articles de toutes sortes offerts par la communauté. « On est visible pour tout le monde, sauf pour le gouvernement », lâche Mme Lamarche durant un entretien téléphonique avec Le Devoir.
Espoirs déçus
En juin dernier, la ministre Lucie Charlebois avait redonné espoir à Florence Portes et Marcèle Lamarche en allouant 10 millions supplémentaires au Programme de soutien aux organismes communautaires ( PSOC) pour l’année 2017-2018.
En novembre, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre- Sud- de- l’Île- de-Montréal leur a enlevé tout espoir. « Zéro! » Le Chaînon, qui accueille 66 femmes en difficulté, dont 15 femmes itiné- rantes, n’a pas obtenu un sou de plus du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.
Mme Charlebois a annoncé mardi 11 millions supplémentaires sur quatre ans afin de renforcer le soutien offert aux personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir.
Ni Marcèle Lamarche ni Florence Portes n’était invitée à la conférence de presse.
En prévision de la conférence de presse, des hauts fonctionnaires ont toutefois « fait les fonds de tiroir » et allouer une aide non récurrente — « c’est souligné trois fois », fait remarquer Mme Lamarche —, de 30 000 dollars de plus à chacun des deux organismes. « 19 000 $ pour réparer une iniquité qui est entre 500 000 et 1 million par année, ça n’a pas de sens. C’est indécent » , dénonce Mme Portes.
« L’itinérance est un phénomène que nous prenons très au sérieux. La réalité des femmes au sein de l’itinérance est particulière, puisqu’elles ne s’affichent pas comme les hommes », a fait valoir l’attachée de presse de Mme Charlebois, Alexandra Régis, tout en rappelant que le plan d’action interministériel 2015-2020 a d’ailleurs prévu une hausse du financement des refuges pour femmes à Montréal de 300 000$ « récurrents ».
« Le fait que l’itinérance féminine soit invisible justifie-t-il le fait qu’il n’y ait pas de financement? Est-ce qu’il faut se faire pousser la barbe puis tirer des chariots pour qu’on prenne conscience que c’est une réalité ? On est quand même la deuxième partie de l’humanité. Il n’y a pas d’équité. Pourquoi? » s’interroge Mme Portes à la veille de la Journée internationale des femmes.