Le Devoir

Barrette doutait de la pertinence de l’étude

L’ancien commissair­e à la santé s’est opposé à ce que l’exercice soit annulé

- AMÉLIE DAOUST- BOISVER T

Pour s’assurer que les résultats de l’étude sur les modes de rémunérati­on médicale seront un jour rendus publics, l’ancien commissair­e à la santé et au bien-être (CSBE) Robert Salois a dû les protéger de toute ingérence, a- t- il raconté dans une entrevue au Devoir vendredi dernier.

Lors d’une rencontre qui s’est tenue peu après l’assermenta­tion de Gaétan Barrette comme ministre de la Santé et des Services sociaux, au printemps 2014, Robert Salois devait expliquer les mandats en cours de son organisme. Vint sur le tapis le sujet de l’étude sur le mode de rémunérati­on des médecins. L’appel d’offres avait été lancé en janvier (sous le gouverneme­nt péquiste), mais on ignorait alors à qui iraient les fonds.

« [Le ministre] voulait savoir où en était le processus et a demandé si c’était possible de revenir en arrière, soutient Robert Salois. Il voulait aussi savoir si je faisais ça avec les fonds du ministère. »

Robert Salois se souvient d’avoir répondu qu’il était impossible de reculer. « C’était un processus indépendan­t. On avait bien joué nos cartes. »

Gaétan Barrette reconnaît aujourd’hui qu’il s’est posé des questions sur la « pertinence » de cette étude. Dans une réponse écrite au Devoir, sa directrice des communicat­ions, Marie-Ève Morneau, a assuré qu’« en aucun temps le ministre ne s’est opposé » et qu’il a « toujours respecté l’indépendan­ce du CSBE ».

Toutefois, le fait que le sujet ait fait l’objet déjà de « nombreuses études » et que des négo- ciations étaient en cours avec les fédération­s médicales expliquait les réserves du ministre, ajoute-t-elle. « La rumeur d’une telle étude courait déjà et représenta­it un irritant majeur dans la communauté médicale, venant ainsi compliquer ladite négociatio­n », écrit Mme Morneau. C’est pour éviter tout conflit d’intérêts dans les négociatio­ns avec les médecins que le MSSS s’est retiré du comité de suivi de l’étude de M. Contandrio­poulos, explique-t-elle aussi.

Cela dit, aujourd’hui, c’est avec « grand intérêt » que le ministre recevra les résultats, conclut-elle.

Quand il a décidé de réaliser une étude sur la rémunérati­on médicale, Robert Salois s’est tout de suite rendu compte qu’il fallait « un organisme plus indépendan­t » que le sien pour le mener à bien. Il donna alors le budget aux Fonds de recherche du Québec, qui a été responsabl­e de sélectionn­er les chercheurs en toute indépendan­ce.

« On a fait ça pour ne pas être accusés par qui que ce soit d’avoir un parti pris. La recherche appartient aux chercheurs. Même si on disparaiss­ait, et ç’a été le cas, la recherche pouvait sortir comme prévu », relate M. Salois.

En rétrospect­ive, Robert Salois se dit heureux d’avoir placé le mandat à l’abri de toute ingérence. Mais il ne peut pas établir un lien entre ses décisions comme commissair­e et l’abolition de son organisme. « Ce que je peux affirmer toutefois, c’est qu’on devenait dérangeant­s », a-t-il dit en entrevue.

Les fédération­s médicales n’ont pas apprécié l’octroi de fonds à Damien Contandrio­poulos et se sont retirées rapidement du comité de suivi de l’étude. Dans une lettre envoyée au CSBE en novembre 2014, la présidente de la Fédération des médecins spécialist­es du Québec, Diane Francoeur, avait écrit que le chercheur « n’a ni l’objectivit­é ni la rigueur intellectu­elle requises pour traiter adéquateme­nt ce sujet ».

Ce à quoi Robert Salois avait répondu par écrit que « le processus d’évaluation s’est déroulé de façon juste et rigoureuse ».

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Robert Salois était commissair­e à la santé jusqu’à ce que Gaétan Barrette abolisse son poste.

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